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Hommes de Presse - Joseph Sokhn

 

 
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Hommes de Presse - Joseph Sokhn
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Hommes de Presse

La Maison du Futur


Comme la plupart des régions libanaises du Mont-Liban, le Metn donne sur la Méditerranée et il a surpassé toutes les autres régions en richesse, en initiative commerciale et en importance religieuse et culturelle.

Or, précisément, son Excellence le Président cheikh Amine Gemayel et député de la région du Metn, a crée la "Maison du Futur" réalisation prestigieuse comportant, entre autres, le Centre de recherche et de documentation, ainsi que l'Institut d'études stratégiques. Ce centre qui dépouille quotidiennement cent cinquante publications dispose de l'ordinateur central le plus sophistique du Moyen-Orient. Ce centre publie, en outre, depuis 1977 la revue trimestrielle "Panorama de l'actualité": substantielle revue politique trilingue, présentant des articles de fond et un traitement systématique de l'information par l'ordinateur.

De nombreux et éminents conférenciers ont traité, en la salle de ce centre, des thèmes socioculturels et politiques. Citons parmi eux le regretté ancien président élu, le martyr des martyrs cheikh Bachir Gemayel qui a tracé les grandes lignes de sa politique exclusivement libanaise et de son plan du Liban de l'an 2000.

D'autres penseurs tels Docteur Charles Malek, le président Charles Hélou, Monsieur Négib Dahdah (Libanius) et Ibrahim Najjar, membre du Bureau politique des Kataeb et d'autres ont tous donné dans la "Maison du Futur" les conférences les plus brillantes portant sur l'actualité libanaise et sur l'avenir de notre pays.

"La Maison du Futur" est également une œuvre à l'image du Liban de demain avec sa salle d'accueil culturel fondée en 1975 et dont la mission est de promouvoir la connaissance, la compréhension et l'échange. C'est une annexe de l'"INMA" qui signifie en arabe< "développement", un siège choisi pour évoquer les multiples activités et institutions de développement qui compte la "Fondation pour le développement". Sa mission est de nouer des relations meilleures entre le Liban et le reste du monde et de contribuer à une compréhension meilleure du problème libanais de par le monde. Du fait de l'importance stratégique que constitue la situation géographique du Liban et Beyrouth étant devenu un champ de bataille idéologique pour plusieurs problèmes touchant le Proche-Orient, les événements dont ce petit pays est la scène sont significatifs aux yeux de la diplomatie moyen-orientale et, en dernier ressort, par rapport aux relations internationales dans le sens universel du mot.

"La Maison du Futur" sert, en outre, de centre d'accueil culturel et patronne des conférences, des projections cinématographiques, des expositions artistiques, des récitals.

La salle des conférences, souvent dénommée "mini-assemblée de l'ONU" contient 170 sièges de délégués plus 200 sièges d'observateurs. Elle est équipée d'un système d'interprétation simultanée et d'un équipement audiovisuel comprenant entre autres, un écran de projection. A l'intention des chercheurs de passage; la "Maison du Futur" dispose de 40 chambres à coucher situées aux étages supérieurs de la bâtisse et qui donnent sur la Grande Bleue et la ville de Beyrouth. Au spacieux restaurant, on peut déguster des plats aussi bien libanais qu'européens. Les chercheurs non résidants ont accès à toutes les facilités offertes par le centre.

Cèdre

"Cèdre" est l'une des nombreuses composantes de la "Maison du Futur", les autres étant l'Institut d'études stratégiques pour la paix, des services d'information répertoriée, le centre de conférences internationales ainsi qu'une aile spécialement aménagée pour assurer les facilités de logement aux chercheurs.

"Cèdre" est un institut de recherches non lucratif spécialisé dans l'étude du problème libanais et de la crise du Proche-Orient.

Les principales publications de "Cèdre" est le "Panorama de l'actualité", énoncé déjà plus haut, un trimestriel trilingue qui passe en revue les développements de la situation au Liban et au Proche-Orient. Il y a également des publications spécialisées, la banque des données, la documentation, une section qui dispose de microfilms et de micro-dossiers et de nombreux journaux et périodiques libanais. Il y a également le Thesaurus de terminologie politique et sociologique en langue arabe, anglaise et française pour aider le chercheur dans l'usage de la documentation par ordinateur.

Enfin la bibliothèque de "La Maison du Futur" contient une bibliographie exhaustive des affaires libanaises et de la crise du Proche-Orient qui se compose d'ouvrages, de journaux, de brochures et de périodiques ainsi que diverses publications en arabe, en anglais et en français.

Voici un extrait d'une conférence donnée par son Excellence le Président Amine Gemayel à l'Université de Harvard (U.S.A.) en 1979:

"…En réalité, l'un des aspects fondamentaux de la guerre du Moyen-Orient réside dans le fait qu'il existe actuellement deux peuples opprimés et en quête de paix: le peuple libanais et le peuple palestinien, mais une différence fondamentale les sépare: le peuple palestinien est un peuple en guerre parce qu'il est un peuple sans Etat, mais installé sur le territoire d'un autre Etat, alors que le peuple libanais est en guerre parce qu'il veut préserver son Etat. La solution est de doter les Palestiniens d'un Etat mais avant ceci, de garantir aux Libanais leur Etat.

"Le Liban agonise mais ne mourra pas. De la paix du Liban dépend la paix au Moyen-Orient, et de la paix au Moyen-Orient dépend la paix du monde."

Et d'ajouter: "Certains ont considéré la guerre du Liban comme une guerre de religion. Le concept de "Communauté" apparaît fondamental et décisif. Cette lutte communautaire est conçue comme une conséquence directe du système communautaire. Souvent la guerre du Liban a été présentée comme la conséquence de l'immobilisme historique des religions ou comme la fin de l'idéologie de la coexistence.

"La guerre du Liban est perçue comme un conflit de classe opposant les opprimés, a majorité musulmane et plus particulièrement chiite, aux oppresseurs a majorité chrétienne et notamment maronite. Les tenants de cette explication annoncent la faillite du régime libanais et s'empressent de présager la fin de l'une des rares démocraties du Tiers Monde.

"Mais pour beaucoup aussi, la guerre du Liban est intimement liée aux problèmes spécifiques de la région du Moyen-Orient, et subit les contrecoups de la lutte des nations dans cette partie du monde.

"Pascal disait: "Si Dieu n'existait pas, les hommes avaient intérêt à l'inventer". Je me permettrai très modestement de dire que si le Liban n'existait pas, les hommes, tous les hommes épris de paix, auraient un intérêt à l'inventer. Et puisqu'il existe, ils ont tout intérêt à le sauvegarder."

Harvard le 30-10-1979

Ghassan Tuéni

Directeur-propriétaire d'"An-Nahar" Ancien député, ancien ministre, diplomate, penseur


L'élan journalistique libanais a suivi au début du XXème siècle une évolution assez rapide, voilà pourquoi nous ne saurions ignorer que la liberté de la presse et les libertés en général font partie intégrante du destin du Liban. Elle n'est pas seulement sa raison d'être, ni la condition de sa survie, mais son essence même. Si le Liban doit vivre privé de liberté, il ne serait plus le Liban.

Le champ où la liberté a toujours été connue, non comme un problème certes, mais comme un fait de la vie quotidienne, est sans conteste le domaine de la presse et celui de la politique. Presse et politique doivent jouir d'une totale liberté.

Au XIXème siècle, sous l'occupation ottomane, la Sublime Porte a tenté de briser les plumes et museler les écrivains. Les voix de la liberté ne cessèrent de se faire entendre dans les églises, les mosquées, en tout lieu.

Après ces quelques lignes sur la liberté de la presse au Liban, ouvrons le dossier d'un éminent homme de presse et d'un grand penseur qui a puissamment contribué à l'épanouissement de la vie journalistique dans notre pays: Ghassan Tueni, directeur propriétaire du grand quotidien libanais de langue arabe "An-Nahar".

Vie et enfance

Les Tueni comptent parmi les plus anciennes familles beyrouthines. Ils appartiennent à la communauté grecque-orthodoxe. L'ancêtre de la famille et ses fils vinrent s'installer à Beyrouth (Achrafieh) ou résident également les Sursock, les Bustros, les Sassine, les Aoudé, et les Salibi. Les Tueni firent preuve de qualités peu communes d'esprit, de caractère et de positivisme. Ils étaient attirés par les lettres et le commerce.

C'est à Beyrouth que naquit, en 1926, Ghassan Tueni. Son père, Gebran Tueni, l'ancien et regretté fondateur d'"An-Nahar" était un éminent politicien, un grand serviteur de la presse et de l'éducation au Liban et un fin diplomate. Il est mort le 11 novembre 1947 à Santiago au Chili, où il occupait le poste d'ambassadeur du Liban. La mère de Ghassan Tuéni, Adèle, née Salem, était une femme cultivée et raffinée, dotée d'un physique agréable. Gebran et Adèle eurent quatre enfants: Ghassan, Walid, Fouad et Sami.

A l'âge de six ans, Ghassan Tuéni commença ses études primaires. Il était très éveillé et sensible avec une pointe d'orgueil. Il connaissait les joies de son âge et consacrait une grande partie de son temps à lire des contes pour enfants et parfois rêver.

Ghassan Tuéni acheva ses études secondaires et universitaires à l'Université Américaine de Beyrouth. Ainsi en 1943 il devint bachelier (I.C.) et en 1945 (B.A. of Arts) en Philosophie.

En 1946, il quitte l'Université de Harvard (U.S.A.) avec un M.A. (Master of Arts) en sciences politiques avec mention tares honorable.
En 1948, Ghassan Tueni est nommé par le président de l'Université Américaine de Beyrouth professeur de sciences politiques.

Co-fondateur de l'Ecole des sciences politiques et juridiques du Liban, il enseigna dans cette institution de 1951 a 1954.

Caractère

Ce qui frappe d'abord en Ghassan Tueni, c'est une énergie et une puissance de travail prodigieuse, une force vitale que l'âge ne réussit d'ailleurs pas à entamer qui, aujourd'hui comme il y a trente ans, le laisse infatigable. Ses diverses occupations, ses capacités, sa conscience professionnelle, sa courtoisie et sa simplicité font de Ghassan Tuéni un être exceptionnel. Il a toujours été un grand amateur de lettres, un éminent penseur. Il a crée dans son journal des pages spéciales pour l'actualité littéraire, artistique, économique et sociale. Il a pu de la sorte satisfaire tous les gouts du lecteur.

Le chef de famille

Le 31 décembre 1954, Ghassan Tueni épouse une femme charmante et gracieuse lauréate du Prix de l'Académie française, le poète Nadia Hamadé, fille de l'ambassadeur du Liban Mohamad Ali Hamadé. De cette union naquirent deux enfants Gebran et Makram et une fille Nayla, décédée à l'âge de huit ans.

Malgré le courant tumultueux de ses occupations quotidiennes Ghassan Tuéni a pu consacrer à sa famille une attention et une affection particulières. C'est un excellent chef de famille, bon et aimable, et surtout compréhensif avec les siens.

Deux personnalités identiques, un penseur et une femme de lettres forment un excellent ménage et ils n'ont pas beaucoup à faire pour construire une vie intellectuelle, sociale et sentimentale commune.

L'éditorialiste

Ghassan Tuéni est l'un des plus brillants journalistes libanais. Nommé rédacteur en chef du quotidien "An-Nahar" en 1948, ses éditoriaux lui valurent une réputation qui ne tarda pas à franchir les frontières. Il avait le don magique de penser à des titres et à des manchettes les plus sensationnels. Avec quel art il savait développer ses thèmes et ses articles concernant la politique intérieure et les propos de vie sociale libanaise.

Ghassan Tueni a donné beaucoup de lui-même pour son journal, militant de toutes ses forces pour la liberté et la justice sociale. Son patriotisme et sa franchise le conduisirent en prison. Et, en 1951, il partagea la même cellule avec Mohamad Baalbaki et Georges Naccache, à la prison des Sables. La lutte acharnée menée par Ghassan Tuéni pour la liberté sociopolitique porta ses fruits car plusieurs lois concernant la réforme de la presse libanaise furent votées par la Chambre des députés.

Fin lettré, Ghassan Tuéni, comme journaliste a apporté une lumière inattendue sur de nombreux problèmes qui ont passionné le lecteur libanais et étranger. Son rêve le plus cher était de diffuser ses principes et ses idées, d'écrire.

"An-Nahar"

Le 4 août 1933, Gebran Tuéni fonda le quotidien de langue arabe "An-Nahar". Ce journal devint un peu plus tard, le quotidien arabe le plus lu, le plus recherché par le grand public cultivé. Il fit rayonner au Liban et dans les pays arabes, la pensée libanaise et les valeurs littéraires et socio-économiques de notre pays. Son équipe rédactionnelle est formée actuellement d'hommes épris d'idéal et de patriotisme exaltant. A l'Ecole de Gebran Tuéni s'est formée la première génération du XXème siècle, sur le plan journalistique, sociopolitique et littéraire. Son premier rédacteur en chef fut Louis Hage. Le "Nahar" paraissait sur quatre pages.

La pensée de Ghassan Tuéni

Les éditoriaux de Ghassan Tuéni sont très lus et font autorité. Sa pensée s'extériorise par ses appels francs à l'entente islamo-chrétienne basée sur la justice sociale et l'attachement sincère et profond au Liban.

Voici quelques extraits de ses écrits et articles de presse, traduits de l'arabe:

En 1949, Ghassan Tuéni ouvrant le dossier de la politique intérieure du Liban devait écrire:

"Un peuple regarde ses chefs. Comme ils se comportent, il les suit. S'ils sont sévères envers eux-mêmes, il accepte plus facilement les disciplines. S'ils se relâchent il se relâche avec eux. Notre nature ne penche pas naturellement vers le bien. Nous portons l'erreur en nous. Nous allons vers elle à cause de la faiblesse de notre chair.

"Un peuple comme le notre pour tenir ferme, pour faire face à tous les périls, pour gagner honnêtement sa vie, pour accepter les sacrifices qu'il peut avoir à s'imposer, il faut qu'il entretienne en soi la fermeté d'âme et le courage. Il s'agit d'apprendre à commander et d'apprendre à obéir. Il faut commander soi-même, dominer ses instincts, agir en vue du plus grand bien de l'ensemble de la population. Le Liban est de ces nations qui ne peuvent vivre que dangereusement. C'est le sens de l'ordre qu'il faut lui donner. Un contrôle un peu serré de l'Etat est indispensable…"

Parlant du niveau moral des Libanais, Ghassan Tuéni écrivit: "Si nous n'élevons pas le niveau moral de ce peuple libanais aux éléments si divers, nous n'avons rien fait. Notre tâche primordiale est d'éveiller la conscience des dirigeants et le sens de leur mission.

"A l'heure où nous sommes, ce pays, à côté d'Israël déchainé et de tant de périls, est géré comme au temps de la Sublime Porte, des pachas et du concert des puissances. Le Liban a besoin de tonique, de santé morale et de paroles fortes. Il a besoin de se regrouper et de s'entraider, au lieu de se disperser. Si les Libanais ne s'affranchissent pas du mauvais serviteur de l'Etat, de l'arriviste et du contrebandier, ils perdront leur vitalité et leur force."

Traitant la liberté de conscience, Ghassan Tuéni a dit notamment: "Dans les pays où les libertés sont bannies, l'essentiel de la vie est perdu. Sans la liberté de conscience, qu'est-ce qu'un homme? Sans la liberté de travail dans le cadre des libertés légitimes, qu'est-ce qu'une société humaine? Voilà pourquoi il n'est pas permis à un gouvernement d'ignorer dans sa façon de gouverner les penchants moraux ou amoraux, l'esprit de discipline et d'indiscipline du peuple qu'il gouverne.

"C'est un fait, conclut Ghassan Tuéni, que l'Orient obéit mal aux lois restrictives et c'est un fait aussi que les représentants de l'Etat à tous les échelons, y multiplient eux-mêmes les brèches, par manque de vertu, de caractère ou d'autorité."

Le confessionnalisme libanais

Le confessionnalisme, écrit Ghassan Tuéni, est l'attachement étroit à une confession religieuse. C'est la définition du dictionnaire et il est clair que c'est chez nous le cas. Mais le confessionnalisme au Liban signifie autre chose. Il est la garantie d'une représentation politique et sociale équitable pour des minorités confessionnelles associées.

"Qu'on le veuille ou non, une confession, au sens large du mot, c'est une forme de civilisation. On dit justement la civilisation chrétienne et la civilisation de l'Islam. Les civilisations cohabitent au Liban dans un esprit de fraternité et de tolérance particulièrement heureux. Cela dit, la position confessionnelle au Liban parait naturelle et légitime. Si une doctrine politique crée à l'intérieur d'un parti des liens intellectuels et moraux, il est plus normal encore qu'une métaphysique, qui commande dans une large mesure, la législation temporelle, en crée elle aussi et des plus forts. Le cas du Liban n'est nullement celui d'un peuple arriéré; c'est un cas original et c'est tout. Aucun pays du monde ne se trouve du point de vue confessionnel et à ce degré, dans la situation du Liban. Pour nous reformer, commençons par renoncer à la confession en faveur du mérite à l'intérieur de l'administration. Cela parait tellement plus naturel".

L'esprit d'initiative

"L'économie dirigée, écrit Ghassan Tuéni, se conçoit de nos jours, là où la production se fait en grande série et souvent à la chaine. Mais, au contraire, là où la diversité est la règle de l'ingéniosité une partie essentielle du capital (c'est le cas du Liban), le devoir de l'Etat est d'encourager l'esprit d'initiative par tous les moyens. C'est une façon plus humaine et plus souple de diriger et, pour les Libanais, c'est une question de vie et de mort. Les Libanais, plus on voudra les diriger, plus ils fuiront nos horizons. Et ce sont les plus doués, les plus audacieux qui s'en iront.

"Notre pays est celui du morcellement et de la variété. Il est par définition un pays de libertés.

"Par l'économie dirigée, au Liban, on ira aux vaches maigres et à l'émigration. Voilà ce que tous les jeunes Libanais doivent savoir et les adultes aussi".

Une interview avec Ghassan Tuéni

- Monsieur Tuéni, pourquoi, d'après vous, le "Nahar" a été victime d'un attentat à la bombe?
"Pour mille et une raisons. Cependant, il faut exclure l'hypothèse d'une inimitié personnelle, ou même professionnelle. Certains ont été jusqu'à accuser le chef du gouvernement. Mais je ne pense pas que le président Saeb Salam puisse manquer à ce point de psychologie. D'ailleurs son attitude après l'attentat prouve qu'il connaît trop la teneur des répercussions qu'un acte de ce genre peut avoir sur les gens de notre profession. Il reste la thèse que cet attentat ferait partie d'un grand complot. Une bombe sur le "Nahar" c'est tout un retentissement. Les journaux ne sont-ils pas les boîtes à résonance? Si tel est le cas, le gouvernement doit découvrir ceux qui ourdissent pareils complots sans attendre que les autres meurent, tués par leurs propres explosifs."

- Quelle définition donnez-vous à votre opposition?
"Ce qu'elle a toujours ente. La presse libre, et sa fonction principale est d'être une sorte de censure. C'est un moyen de s'exprimer un peu pompeux, mais tellement vrai."

- Comment expliquez-vous le loyalisme de Raymond Edde?
"M. Eddé se fait une violence, loin d'être douce. Il doit avoir certainement ses raisons. Je préfère les ignorer. Je ne sais pas si elles sont avouables. Il ne les avoue pas toujours. Je me contente donc de ce qu'il a lui-même dit: "En politique, il n'y a pas de logique". Parce que la logique veut qu'il soit opposant. Il a ajoute: "Deux et deux ne font pas quatre en politique". Dans son cas, en tout cas, elles ne font pas 5, mais 3 ou moins."

- Que pensez-vous du problème de la sécurité au Liban?
"Il appartient au gouvernement d'agir en gouvernement. Tout en comprenant l'appel à la vigilance lancé par le président Salam, je ne peux pas penser une seule minute qu'il soit vraiment sérieux quand il attend des citoyens qu'ils attrapent eux-mêmes les responsables des grands complots dont il parle."

Les problèmes du Liban

Ghassan Tuéni écrit à ce propos: "Les problèmes du Liban d'aujourd'hui et du Liban de demain ont une dimension que les représentants d'un Liban suranné ne pourront jamais comprendre. Un gouvernement n'est donc pas un organisme de représentation, c'est un organisme de travail: autant de solutions qu'on apporte à autant de problèmes. Mais pas l'inverse. Dans un pays sous-développé comme le notre, vouloir faire du gouvernement un organisme de représentation, c'est placer le sous-développement au pouvoir. C'est donc condamner le Liban à demeurer ce qu'il est, plutôt que de tendre à ce qu'il voudrait être. Nos représentants, tout authentiques qu'ils soient, ne sont pas toujours les mieux placés pour faire que nous soyons autre chose que ce que nous sommes".

Ghassan Tuéni et le journalisme

"Le journalisme pour moi, écrit Ghassan Tuéni, un accident qui dure depuis trente ans… J'ai l'impression d'avoir été adolescent plutôt qu'enfant. Mon père, objet de grand attrait, j'ambitionnais de lui ressembler avec toujours un peu de défi. C'est pourquoi, dès ma prime jeunesse j'ai entrepris mes premières armes politiques. Et ma mère? Je lui étais très attaché comme tous les ainés.

"Actuellement, là où j'en suis, j'ai l'impression d'avoir vécu trois générations de la politique libanaise: Joseph Salem, Bechara El-Khoury, Maroun Arab". Comme journaliste, Ghassan Tuéni est allé simultanément de la synthèse à l'analyse des solutions. Il a toujours envie son père qui écrivait avec toute simplicité, car ses textes sont souvent marqués par l'inaccessibilité. "D'ailleurs les articles, ajoute Ghassan Tuéni, dont se souvient le lecteur ne sont pas ceux dont je suis moi-même convaincu. Pourtant ce sont eux qui ont contribué a ma popularité voire à la prison".

Ghassan Tuéni sut donner au journalisme libanais un niveau international. Ses tendances, son intellectualité, il les doit à sa naissance dans un milieu porté vers les lettres et la presse. Son journal "An-Nahar" de quatre pages atteint facilement les 12 et les 14 pages et devient un organe d'information presque international.

Dans une de ses déclarations à la presse, Ghassan Tuéni, délégué du Liban à l'O.N.U. devait répondre à diverses questions, développant les points suivants:

- Nous considérons que le renouvellement du mandat de la FINUL est lié au déploiement au sud et au rétablissement de l'autorité de l'Etat sur l'ensemble de cette region.
- La limitation de la présence de l'Armée au sud à 1500 officiers et soldats s'explique par trois facteurs, a savoir:
1- Des considérations juridiques à caractère international qu'il ne convient pas de discuter pour l'instant.
2- Des questions ayant trait à la région elle-même et aux missions à confier aux militaires.
3- La question de savoir si le Liban veut déclencher une guerre et attaquer à partir du sud ou si nous voulons envoyer l'Armée pour une mission de maintien de la paix.

Le Liban n'est pas considéré comme étant un simple pays participant à la FINUL car cette terre est la nôtre et l'Armée s'est rendue au sud pour prendre en charge cette région. La résolution du Conseil de Sécurité stipule, en effet, que la FINUL doit assurer le retrait israélien et remettre cette région aux Libanais pour que l'Etat puisse y rétablir son autorité. La FINUL suit les orientations de l'Etat libanais et cela signifie que les régions où elle se trouve ne sont pas soustraites à l'autorité de l'Etat.

Le penseur

Ghassan Tuéni dans ses éditoriaux et ses conférences voulait souvent propager ses idées sur la justice, l'égalité entre l'homme et la femme, la gratuité de l'enseignement, le combat contre le confessionnalisme et le fanatisme, la bonne entente entre tous les citoyens libanais, le relèvement du niveau culturel de la jeunesse montante. Il a appuyé fortement le droit de la femme libanaise à la liberté de la pensée et à la vie politique. Les idées sociopolitiques ou philosophiques qu'il publiait dans "An-Nahar" sur l'état de la société libanaise, révèlent chez lui une connaissance remarquable des problèmes. Une des qualités propres à cet éminent journaliste et penseur c'est une facilité dans l'abondance et l'absence de tout ce qui est superficiel et illogique.

Voici un extrait d'une étude portant sur la vérité et la politique écrite par Ghassan Tuéni, traduit de l'arabe:

"…C'est une histoire vieille et compliquée que celle du conflit entre la vérité et la politique, et la simplification ou la prédiction morale ne seraient d'aucun secours. Au cours de l'histoire, les chercheurs et les diseurs de vérité ont toujours été conscients des risques qu'ils couraient; aussi longtemps qu'ils ne se mêlaient pas des affaires de ce monde ils étaient couverts de ridicule.

"L'époque moderne, qui croit que la vérité n'est ni donnée, ni révélée à l'esprit humain, mais produite par lui, a rapporté les vérités mathématiques, scientifiques et philosophiques au genre commun de la vérité de raison, distinguée de la vérité de fait.

"Bien que les vérités politiquement les plus importantes soient des vérités de fait, le conflit entre la vérité et la politique a été pour la première fois découvert et articulé relativement à la vérité rationnelle. L'ennuyeux est que la vérité de fait, comme toute vérité, exige d'être reconnue et refuse la discussion alors que la discussion constitue l'essence même de la vie politique. Alors que le menteur est un homme d'action, le diseur de vérité, qu'il dise la vérité rationnelle ou la vérité de fait, n'en est jamais un. Si le diseur de vérité de fait veut jouer un rôle politique et donc être persuasif il ira, presque toujours, à de considérables détours pour expliquer pourquoi sa vérité à lui sert au mieux les intérêts de son public."

"Le menteur est acteur par nature, il dit sur la scène politique, ce qui n'est pas parce qu'il veut que les choses soient différentes de ce qu'elles sont c'est-à-dire qu'il veut changer le monde. A coup sur, le mensonge organisé est un phénomène marginal, mais la difficulté est que son opposé, la simple narration des faits ne mène à aucune sorte d'action. Dans certaines circonstances, le mensonge est une vertu. Les mensonges politiques modernes traitent efficacement de choses qui ne sont aucunement des secrets mais sont connues pratiquement de tout le monde; ceci fait partie, certes, de l'habileté politique et de l'histoire de la diplomatie".

L'homme politique

Ghassan Tuéni, le plus jeune député de sa génération, vice-président de la Chambre (1951- 1953) appartenant au groupe parlementaire présidé par Kamal Joumblatt, sent être à l'heure actuelle l'ainé de quelqu'un: "Je me demande, dit-il non sans quelque fierté, si je n'ai pas survécu… Mon passé certes fut davantage marqué par des tragédies que par des bonheurs. Cependant, ajoute-t-il, si j'ai pu survivre et absorber tout cela, c'est à cause d'un contexte général de bonheur, de satisfaction qui fait que même la tristesse latente, une certaine mélancolie qui m'est naturelle (il est capricorne) ne m'a jamais mené au désespoir. Car derrière et au-delà de toutes ces tragédies il est une densité qui refaçonne le bonheur. Un bonheur relevant d'une foi, d'une paix de l'âme: Je suis croyant".

Les cent jours

En 1970, Ghassan Tuéni fut nommé ministre de l'Education nationale et de l'Information dans le gouvernement de Saeb Salam. Deux fois député, vice-président de la Chambre, chargé de missions diplomatiques, il avait, certes, une expérience de la chose publique. Il est parti au bout de cent jours.

Pourtant tout au long de sa carrière de journaliste (25ans) il avait rêvé comme rêvent tous les journalistes à tout ce qui pourrait et devrait être accompli par le pouvoir. Tous les jours, ou presque, il avait dit aux ministres ce qu'ils devaient, et ce qu'ils ne devaient pas faire. On lui lançait un défi, celui d'essayer lui-même. Il ne pouvait pas refuser. Il avait été donc chargé du ministère de l'Education nationale et de l'Information. Il était très estimé par les étudiants et les jeunes, car il acceptait le dialogue avec eux et il passait de longues heures à écouter et à orienter les universitaires qui venaient quotidiennement à sa rencontre a l'UNESCO.

En outre, Ghassan Tuéni ne pouvait pas dire non à un nouveau régime issu d'une bataille qui a été menée pour une rénovation de la démocratie et la sauvegarde des libertés. D'autant plus qu'il s'agissait d'une équipe de jeunes ministres à qui il était demandé d'incarner les aspirations d'une opinion qui n'avait que trop souffert des expériences avortées du passé. Nos jeunes ministres ont voulu également avoir une attitude réaliste. Ils n'ont pas fait une nomenclature de promesses ou de projets mais ils ont essayé d'avoir une vision globale de leurs possibilités et les besoins de l'économie libanaise, les disponibilités du Trésor. Ils étaient des réformistes. En un mot, les douze jeunes ministres autour du président Salam étaient des personnes qui n'avaient pas encore été soumises à l'épreuve du pouvoir. Quant à Ghassan Tuéni qui n'était pas politicien de carrière, en acceptant le portefeuille du ministère de l'Education nationale et de l'Information, il a fait preuve indiscutablement d'autant de réceptivité et de compréhension devant les idées et les problèmes typiquement libanais qui allaient se poser à lui et aux autres ministres.

Notons à cette occasion que le département de l'Education nationale est le ministère le plus important et le plus délicat au Liban, tant par l'ampleur des problèmes qui s'y posent, que par le gigantisme qu'il a acquis (plus de 15% des Libanais relèvent du ministère de l'Education et de ses décisions dépend le sort de la moitié au moins des citoyens de moins de 20 ans). C'est pour cette raison que Ghassan Tuéni étant ministre de cet important département avait proposé comme condition sine qua non de toute action dans le cadre de l'éducation une transformation totale du ministère lui-même. Il avait soumis au dernier Conseil des ministres deux projets de lois, le premier comportant la création d'un ministère de la Culture, le second créant au sein du ministère de l'Education, plusieurs directions générales, avec des divisions et des subdivisions correspondant, d'une manière rationnelle aux exigences du développement de l'enseignement.

Ghassan Tueni pensait à tout ce qui avait trait à l'avenir des jeunes Libanais. Quelle jeunesse voulait-on former? Quel serait le Liban de demain? Quelle éducation donnerait-on à la nouvelle génération? D'ailleurs il avait vécu la contestation estudiantine au Liban en tant que journaliste avant d'être nommé ministre de l'Education nationale.

Or, les décisions qui s'imposaient ne pouvaient être conçues qu'à l'échelle nationale. La tâche était énorme et un cumul de problèmes paraissaient tous insolubles ou presque: l'arabisation, le sort du baccalauréat, la reforme universitaire, les équivalences, la refonte des programmes, la participation estudiantine, le statut des enseignants le tout assorti de force grèves et menaces de grèves. Tous les problèmes ont éclaté comme par miracle. Il engagea aussitôt le dialogue avec les étudiants tout grévistes qu'ils étaient partout à la fois, à Beyrouth, comme à Zahlé, à l'Université comme dans le secondaire. Le dialogue s'est évidemment élargi, devenant une méthode qu'on lui reprocha souvent.

En un mot le ministre Tuéni s'est engagé sur une voie difficile et périlleuse. Il se sentait parfois seul, très seul, et même isolé souvent au sein même du Conseil des ministres. Signalons à cette occasion que le ministre Ghassan Tuéni a signé le décret créant les six baccalauréats libanais qui a été approuvé en Conseil. C'était là une option importante. De même le projet de loi, transmis à la Chambre, supprimant les équivalences mais conditionnant ceci par la reforme des programmes et la création de cours complémentaires de langues étrangères. Tout cela a disparu depuis, et bien d'autres choses encore. C'est pourquoi, le ministre Tuéni est parti trop tôt dès la première difficulté et à la première opposition. Après cent jours exactement de la formation du Cabinet Saeb Salam.

On a dit beaucoup de choses à propos de son départ. D'aucuns prétendaient qu'il n'avait qu'un souci: marquer le coup et sortir en héros. D'autres ont dit que, face aux problèmes qu'il avait soulevés lui-même il a été pris de panique et qu'il est parti. En réalité, Ghassan Tuéni avait un plan personnel de reformer les institutions et le système mais le journalisme en lui a triomphé du politique et il ne s'est pas senti pour autant frustré.

Il a été clair en démissionnant: il a dit que son passage au pouvoir a été un demi-succès et un demi-échec. Il a malgré tout fixé les jalons d'une certaine orientation politique sur laquelle il sera difficile de revenir.

Quant au passage du ministre Tuéni au ministère de l'Information, il a renonce à ses projets de reforme se contentant cependant d'assurer un maximum d'équilibre et un minimum de censure. Il a ainsi respecté des libertés, toutes les libertés. Son meilleur souvenir sera évidemment la retransmission en direct à la radio et à la T.V. des débats de la Chambre, ce que l'on a appelé dans la presse internationale notre démocratie télévisée.

Conclusion

L'activité journalistique de Ghassan Tuéni peut largement remplir à elle seule la vie d'un homme ordinaire. Il avait besoin d'un moyen d'expression qui soit rigoureusement à sa disposition et sa carrière de directeur-propriétaire du grand quotidien de langue arabe "An-Nahar" est extrêmement surchargée et délicate. Sa renommée a dépassé les frontières du Liban et du Proche-Orient.

La pensée politique et sociale de Ghassan Tuéni a été fortement appréciée non seulement par le public libanais mais par tous les penseurs, écrivains et journalistes de l'Orient.

A l'ONU où il devait plaider la cause du Liban, rarement pensée libanaise et politique a été aussi pénétrante et aussi persuasive. Il a toujours prêché la souveraineté politique de notre pays, l'indépendance dans l'économie, la liberté de la pensée et de la presse.

"Laissez mon peuple vivre" s'écriait souvent notre délégué permanent auprès de l'ONU Le Liban a trop souffert durant huit ans, notre peuple martyr vous supplie d'agir efficacement pour l'arracher aux dangers mortels qui le guettent de toutes parts." La vocation d'éditorialiste de penseur et de diplomate de Ghassan Tuéni se manifeste dans ses écrits et conférences. Son objectif premier est de défendre et de faire rayonner les valeurs libanaises et de propager la pensée et la littérature de notre pays. Son attitude est dictée par le respect de la condition humaine.

Dans ce domaine Ghassan Tuéni est inégalable et il ne cesse d'être un des apôtres les plus éminents de la presse libanaise à laquelle il consacre le meilleur de lui-même, ennoblissant cette profession et apportant toutes les garanties à ses membres.

Disons enfin que tous les éditoriaux du directeur-propriétaire du "Nahar" sont en réalité un ensemble de jugements de valeur et d'orientation sociopolitiques.

Raymonde Anghelopoulo-Boutros

Journaliste


L'information a, aujourd'hui, acquis la fonction d'un service d'intérêt public. Il est donc urgent que le public libanais prenne conscience du rôle de l'information dans notre société moderne, et c'est à juste titre que l'on considère les mass medias comme une des branches maitresses de l'éducation permanente.

A cet égard je souhaite que cette étude portant sur notre dynamique et éminente journaliste Raymonde Anghelopoulo-Boutros qui est également l'un de ces pionniers ardents entièrement dévoués à la cause de la femme libanaise, convainque le grand public libanais et étranger que les émissions télévisées orientent les téléspectateurs vers de nouveaux horizons et les invitent à mieux comprendre leur temps, non seulement au niveau des faits et des événements, mais des changements profonds qui se produisent quotidiennement dans notre pays.

C'est pourquoi, la lutte qu'entreprend sans relâche Raymonde Anghelopoulo pour assurer à la femme libanaise une vie meilleure porta ses fruits et donna confiance à toutes les jeunes femmes de notre pays.
Quant au problème de la femme en Orient, c'est l'un des thèmes qui font couler le plus d'encre dans cette région du monde.

Esclave en Orient, enfermée encore dans le gynécée grec, émancipée par la jurisprudence impériale, ce n'est qu'au libéralisme qui se répandit en Europe à la fin du XIXème siècle, que l'Orient, et en particulier le Liban, doit sa première vague de féminisme.

Une légende hindoue raconte que lorsque "Vichnou" voulut créer la femme, il hésita un instant, puis se mit à l'ouvrage. Du roseau: il prit la souplesse et l'allure élancée de la fleur: la beauté. De l'herbe: le frémissement. Du pétale de rose: le contact délicat. Du rayon du soleil: il prit la gaieté. Du feu: le chaud rayonnement. Du nuage: les larmes. Par malice, il y maila aussi le bavardage de la pie et de la tourterelle. Voila pourquoi, ajoute la légende, le cœur de la femme s'ouvre facilement à la douleur. Rien de plus fragile, en effet, que le pétale de rose. Rien de plus timide que le frémissement de l'herbe.
Infiniment plus belle est la réalité. Toute œuvre d'art a besoin d'une ébauche. L'homme est l'ébauche, la femme est le chef d'œuvre. C'est pourquoi Dieu avait crée l'homme avant la femme.

Porteuse de vie, la femme est essentiellement l'inspiratrice, l'éducatrice, la mère, celle qui "élève". Plus que l'homme, elle possède le sens du concret, l'intuition la délicatesse, le respect des véritables valeurs, le sens du spirituel. Elle n'est pas le génie, mais elle enfante des génies.

Vie et enfance

La famille Bitar est originaire de Deir El-Kamar. Elle appartient à la communauté grecque-catholique; mais il y a également des Bitar maronites, sunnites, et druzes. Le grand-père de Raymonde Bitar, Antoine Bitar, était un riche commerçante, il se rendit à Tyr au Liban-Sud en 1875 et fit la connaissance d'une gracieuse jeune fille, Leila Accoul qui devait devenir sa femme. Il s'installa définitivement en cette belle et historique ville phénicienne dont la réputation mondiale a passionné les historiens et les archéologues.

Raymonde Bitar est née à Beyrouth le 18 mai 1949. Son père, Toufic Bitar et sa mère Eugénie, né Habbouche, très attachés à leur ville natale Tyr, attendent impatiemment l'heure du retour au Liban-Sud. Raymonde à un frère, Abdou, et trois sœurs: Liliane, Dolly et Christiane. Ses études primaires et secondaires, elle les fit à l'Institution Saint-Joseph de l'Apparition à Beyrouth.

A l'âge de six ans, elle fait montre d'une précoce maturité intellectuelle et manifeste déjà une certaine prise de conscience. En 1965, elle entre à l'Ecole Supérieure des Lettres de Beyrouth où elle prépare un diplôme de hautes études en diction et déclamation françaises. Elle était la première de sa promotion. Ses professeurs saluaient en elle la plus brillante candidate en matière de diction.

Caractère

Dès son jeune âge on décèle chez Raymonde une vive intelligence et une douceur innée. Simple et fort aimable, elle révèle une noblesse de caractère et une imagination exceptionnelle. La tendresse et la sensibilité se lisent sur ses traits. Elle est à la fois, l'épouse aimante et dévouée, la mère affectueuse et sensible et la journaliste spirituelle et objective.

Un mariage d'amour

En 1969, un heureux hasard voulut que Raymonde Bitar rencontre à Beyrouth lors d'une compétition sportive de Basket-Ball (E.N.B.) un charmant et beau jeune homme, Pierre Anghelopoulo d'origine grecque, très distingué et raffiné. Elle lia avec lui une solide amitié qui aboutit à un parfait mariage d'amour. De cette union naquirent deux enfants: Marc (1971) et Muriel (1972).

Malheureusement, le 26 juillet 1976, Pierre Anghelopoulo devait être kidnappé et lâchement assassiné au niveau de l'hôpital Barbir (Beyrouth) par des éléments armés palestiniens. Sa disparition a provoqué un choc terrible à sa jeune veuve et aux siens. Signalons à cette occasion que le Club sportif (E.N.B.) organise chaque année durant le mois de mai le tournoi national de Basket-Ball sous le patronage de Monsieur Pierre Gemayel, chef supérieur des Kataeb, doté de la coupe du martyr "Pierre Anghelopoulo". Plus de 15.000 personnes assistent à ce tournoi.

Le second mariage de Raymonde eut lieu le 8 septembre 1981 avec un éminent architecte- décorateur, ancien élève de l'Ecole Boulle de Paris (Université des Arts appliques) l'industriel bien connu Monsieur Marcel Boutros, membre de la C.A.I.M. Ce second mariage fut également une réussite parfaite, basé sur l'amour solide et l'entente entre deux cœurs faits l'un pour l'autre.

La journaliste

Nul n'ignore que le journaliste est un témoin qui bénéficie de la confiance que lui accorde l'homme de la rue. Il est également un veilleur. L'essentiel dans la presse c'est de n'avoir jamais voulu tromper. Nos journalistes sont devenus conscients de leur responsabilité et de leurs droits.

Raymonde Anghelopoulo-Boutros sait parfaitement bien que le journal n'est pas seulement un miroir passif, il est un maître actif, il stimule la pensée, il suggère ce qu'il faut dire, il modèle les idées et forme la personnalité; c'est pourquoi elle s'est donnée corps et âme à sa nouvelle mission de journaliste dans "La Revue du Liban" ou elle nous fit connaître dans leur vérité les faits sociaux les plus importants ainsi que les œuvres et les écrits de nos éminents penseurs et écrivains contemporains (1977-1980).

Voici quelques extraits de ses articles parus dans "La Revue du Liban":

"Il est prématuré d'émettre des jugements vis-à-vis des sujets d'actualité quand la situation générale pose encore une multitude de points d'interrogations et que le nouveau gouvernement tarde à être formé.
"Si plusieurs projets n'ont pas vu le jour, c'est bien en raison des circonstances M. Amine Bizri, ministre des Travaux publics, du Tourisme et de l'Agriculture nous donne les raisons qui ont empêché certaines réalisations relevant des trois ministères dont il a la charge: il dit notamment: "Il faut que la nation tout entière soit représentée au pouvoir pour qu'un gouvernement puisse réussir à cent pour cent. Le chef de l'Etat symbole de la continuité du pouvoir. Une semaine libanaise sera organisée à l'O.N.U. au mois d'octobre. La détermination du Liban à surmonter l'épreuve sauvera le Liban". (La Revue du Liban, 8-6-1979)

"Le déploiement de l'armée dans la banlieue-sud de la capitale, écrit Raymonde, a été accueilli avec enthousiasme et à tous les niveaux: on demande que les forces régulières libanaises stationnent partout pour instaurer la sécurité. Ce succès, ne devrait-il pas aller en grandissant? "Le Dr Salah Selman, ministre de l'Intérieur à l'époque a déclaré notamment: "Le déploiement de l'armée partout est un rêve qui se réalisera bientôt. L'entente nationale est la base de tout changement dans le pays. Quant à l'étude des nouvelles cartes d'identité, ajoute le ministre Selman, elle est prête depuis un mois". (La Revue du Liban du 30 juin 1979)

A propos du député Osman Dana: "M. Osman Dana n'a pas quitté le Liban durant les cinq années de guerre: il ne s'est pas non plus déplacé de son quartier à Zokak el-Blat, point extrêmement chaud de la capitale. S'il s'est confiné dans un mutisme total jusqu'à présent, c'est qu'il avait des raisons valables pour le faire. Son entretien aujourd'hui ne devrait pas choquer car il exprime ce que beaucoup d'entre nous pensent, mais n'osent pas le dire a haute voix". "Quand il n'y a pas de volonté libre, il n'y a pas de paroles libres, la liberté d'expression perd toute sa valeur et est remplacée par le langage de la violence. Les Arabes ont failli à leur devoir envers le Liban. Il ne peut y avoir d'Etat sans armée. Notre pays pâtit de la présence armée palestinienne au Sud et ailleurs. L'entente nationale se réalisera lorsque tous les Libanais auront foi dans leur patrie". (La Revue du Liban, 3 novembre 1979)

"Nous avons rencontré, écrit Raymonde Anghelopoulo, M. Ahmad Esber, député de Jbail à son domicile à Ras El-Nabeh. Son accueil et ses propos sont le reflet d'une image authentique de sa région (Byblos) qui malgré vents et marées a su mener ses fils à bon port, les éloignant des tourbillons qui se sont déchainés partout au Liban.

"Par leur désir de vivre en commun, les Libanais ont écarté le danger de la partition. Si le problème du Sud n'est pas réglé, tous les Etats arabes en partiront tôt ou tard. La majorité silencieuse aura le dernier mot". (La Revue du Liban, 24 novembre 1979).

Signalons à cette occasion que Raymonde Anghelopoulo-Boutros a collaboré également à "La Voix du Liban" (1976-1981). Elle diffusait régulièrement les nouvelles et les variétés en langue française. Elle fit partie également de l'O.R.T.F. (1974-1977).

Raymonde et la télévision libanaise

L'information télévisée joue dans les démocraties modernes un rôle capital. Mais pour que l'information puisse contribuer son rôle de défense à la défense des libertels comme à la victoire du progrès, facteur premier de la prospérité il ne suffit pas qu'elle soit indépendante, il faut qu'elle soit encore résolument anticonformiste.

La Compagnie libanaise de télévision (C.L.T.) a été fondée en 1959. Son premier directeur fut le général Sleiman Naufal. Aujourd'hui, son directeur général à l'heure actuelle est Monsieur Charles Rizk (Doctorat d'Etat de la Sorbonne). Parmi les rédacteurs de Télé-Liban figurent Jean Khoury, Arafat Hijazi, Jacques Wakim, Charlotte Khoury, Jeanne d'Arc Fayad, etc.

Raymonde Anghelopoulo débuta sa carrière à la télé en 1968 comme: Présentatrice du programme de la soirée au canal 9. Elle participa aux émissions suivantes:
- Télé-Magazine d'actualité
- Plein Soleil (Emission de jeunes)
- Féminin-Masculin

En 1976, elle prit en main le bulletin d'information (rédaction et présentation au canal 9).

En 1979, elle lança "Le monde de la femme" qui continue. Notons à cette occasion que Raymonde travaille quatorze heures par jour et qu'elle accorde le meilleur de son temps à la préparation de ses émissions.

"Le monde de la femme"

Les milieux conservateurs libanais reconnaissent que plus les femmes ont de responsabilités professionnelles, plus elles mettent de conscience à les assumer. C'est le cas de Raymonde Anghelopoulo-Boutros. D'ailleurs la direction générale de Télé-Liban et le grand public ne cachent pas leur admiration et leur appréciation vis-à-vis de notre dynamique et éminente journaliste. L'idée de renoncer à son émission télévisée "Le monde de la femme" ne l'effleure pas. Elle tient absolument à l'orientation socioculturelle de la femme libanaise et à son évolution. Quand une femme atteint une telle position dans le monde des mass-médias, la société s'attache de plus en plus à sa vie professionnelle et à son programme de travail. C'est pourquoi, chaque mercredi, le grand public libanais attend impatiemment son apparition sur le petit écran avec son minois sourire naturel si agréable.

Toutefois, malgré sa fulgurante réussite et les chances de plus en plus grandes qui lui sont offertes, elle demeure la mère affectueuse et l'épouse aimable et dévouée.

Parmi les personnalités libanaises qui ont été invitées a s'entretenir avec Raymonde Anghelopoulo-Boutros lors de son émission télévisée figurent la Première Dame du Liban, Madame Amine Gemayel, Nadia Tuéni (poète), Zahia Selman, Leila Nasr, épouse de l'ancien ministre César Nasr, Maha Chalabi, fille du député de Tyr, Kazem El-Khalil, les Dames de la Croix-Rouge, Fatmi Abou-Nasr (écrivain et poète).

Elle a également réalisé des interviews télévisées avec le ministre Babikian, l'ancien recteur de l'Université libanaise Fouad Ephrem Boustany; le poete Saïd Akl.

A Paris

Raymonde Anghelopoulo-Boutros a visité de nombreux pays étrangers notamment les Etats-Unis d'Amérique, l'O.N.U. où elle a rencontré l'ambassadeur Ghassan Tuéni, la France, la Suisse, l'Angleterre et la Bulgarie. Ses voyages étaient consacres à la diffusion de la pensée libanaise à travers le monde. Elle était considérée comme la vraie messagère de notre pays. Elle rendit d'éminents services au Liban dans le domaine journalistique et présenta l'authentique visage de la femme libanaise à l'Occident.

Parmi les personnalités étrangères avec lesquelles elle s'est entretenue citons: la fondatrice du Comite de Solidarité franco-libanaise Sylvia Milliez; l'ambassadeur du Liban à l'Unesco Camille Aboussouan; l'épouse de l'ancien président d'Indonésie Dewi Soekarno; le ministre français de la Culture Jack Lang; le président Caldera du Venezuela; le chanteur Herve Vilard; l'actrice Mireille Darc ainsi que Cyrielle Claire, vedette du film "Le Professionnel" avec Jean-Paul Belmondo et Alain Delon et d'autres célébrités internationales. Elle rencontra en outre, Gionni Versace, l'un des plus grands stylistes italiens ainsi que Robert Ricci, le fils de Nina Ricci, promoteur de la mode romantique en Europe.

Raymonde Anghelopoulo-Boutros a toujours contribué efficacement à l'évolution féminine libanaise. Le Liban exige aujourd'hui beaucoup plus qu'hier des journalistes dans le domaine de la télévision et des medias et capables de présenter, valablement, les thèmes de leurs émissions.

Conclusion

Première femme à occuper à la télévision libanaise un poste particulièrement délicat et important, en rapport avec l'évolution féminine libanaise de notre époque. Raymonde Anghelopoulo-Boutros traite chaque mercredi, des thèmes socioculturels et artistiques qui passionnent le public libanais et étranger. Son émission aborde le rôle de la femme dans les domaines littéraires, artistiques, familiaux et pédagogiques.

De la qualité, de la richesse et de l'objectivité de cette émission "Le monde de la femme" dépend dans une large mesure la formation civique et culturelle de notre société féminine contemporaine.
Ainsi on est porté à reconnaître à Raymonde Anghelopoulo-Boutros la triple mission d'éduquer, d'informer et de distraire.

Selim Laouzi
1922-1980 Propriétaire-directeur de la revue "Al-Hawadess"


Nous sommes en un siècle où il est difficile, voire impossible, de dissimuler la vérité. Le rapt d'un journaliste, n'est pas seulement une atteinte à la liberté d'expression mais une agression contre toutes les valeurs humaines et contre les traditions libanaises. La liberté d'information n'est pas un droit limité aux seuls journalistes; elle s'étend à tous les citoyens et constitue l'un de leurs droits fondamentaux, tels qu'établis dans la charte des Droits de l'Homme. Les gens ont le droit de recevoir les informations et idées de toutes sortes, sans aucune entrave, sans pression ni contrainte. La disparition de Selim Laouzi, le regretté directeur-propriétaire de la revue "Al-Hawadess" lâchement assassiné le 4 mars 1980 à Beyrouth, a été vivement ressentie par chaque libanais. Cet éminent journaliste a été victime de son combat quotidien pour la liberté de la pensée et de la presse. Dans sa revue hebdomadaire dont le tirage atteint plus de 100.000 exemplaires, Selim Laouzi a adopté la maxime suivante: "Dis la vérité et meurs". Hélas, son lâche assassin avait bien appliqué sa devise sans toutefois connaître la vérité, toute la vérité. Il ignorait certainement qu'il venait d'immortaliser le nom d'un grand penseur et d'un martyr de la presse libanaise.

Vie et enfance

Selim Laouzi est né en 1922, à Tripoli, au sein d'une famille modeste. Il fit ses études primaires dans une école publique à Tripoli, et grâce à un effort personnel extraordinaire il réussit à se forger une place solide dans le monde du journalisme. Apres des études à l'Université du Caire, il est engagé par une station de radio de l'époque, la "Radio du Proche-Orient" (disparue depuis) puis travaille à la revue égyptienne "Rose el-Youssef" en 1946.

Entre 1952 et 1955, il est le correspondant à Beyrouth de la maison d'édition égyptienne Dar El-HILAL.

En 1955, il achète la licence d'un hebdomadaire le "Hawadess" fondé à Tripoli en 1911, qui ne tarde pas à devenir l'une des premières revues du monde arabe. En 1977, il transporta les bureaux du "Hawadess" à Londres, il publia également une revue en langue anglaise "Events".

De ses deux mariages, Selim Laouzi avait eu sept filles dont la benjamine, Mira, est âgée de huit ans. Son épouse, Oummaya l'aimait follement: elle a vu son mari pour la dernière fois au moment du rapt puisqu'elle se trouvait à ses côtés le jour de sa disparition. C'est elle qui dirige actuellement la revue "Al Hawadess". C'est une excellente et dynamique jeune veuve. Elle a joué un rôle déterminant dans leur vie familiale et sociopolitique.

Malheureusement, elle ne réussit pas à le retenir à Londres, durant les événements de 1980 et surtout après le décès de sa mère, à Beyrouth. Le destin voulut qu'il rentrât au Liban, en dépit des supplications d'Oummaya qui avait peur, beaucoup peur de ce voyage au pays natal.

Sélim Laouzi aimait sincèrement son pays. Il avait des relations très solides avec tous les rois et chefs des pays arabes. Il a connu et côtoyé les hommes de presse les plus éminents du monde occidental et oriental. Il était méthodique, dynamique, tourné vers l'analyse profonde et la recherche de la vérité et du détail. Profondément attaché aux siens et plus particulièrement à son épouse Oummaya, il avait un caractère difficile, irascible et ironique; son intransigeance surtout en ce qui pouvait nuire à la réputation de sa revue "Al-Hawadess" était notoire. Il demeure surtout le fin penseur et l'apôtre libanais de la presse. Il était également un travailleur acharné, il passait quinze heures à son bureau et supervisait tous les articles devant paraître dans sa revue. Le président Chamoun et le chef supérieur des Kataeb, Pierre Gemayel avaient une estime particulière pour Sélim Laouzi. Ils voyaient en lui le journaliste franc et courageux méprisant le fanatisme et ne cherchant dans ses écrits que la vérité et rien que la vérité. Signalons à cette occasion que son dynamisme et son amour de la liberté l'ont conduit en prison en 1957.

La pensée libanaise de Sélim Laouzi

Sélim Laouzi n'avait pas adopté dans ses éditoriaux une forme de fanatisme nuisible à l'intérêt supérieur du Liban. Il traitait souvent des thèmes portant sur l'entente islamo-chrétienne et ses écrits généralement témoignent de son attachement à son pays.

Evoquant l'entrée de la F.D.A. au Liban et son rôle dans notre pays, il écrivit notamment:
"Le mandat de la F.D.A. a déjà été prorogé quatre fois. Aujourd'hui, je pense que le problème doit être posé avant la cinquième prorogation. Il est dans l'intérêt du Liban comme de la Syrie et des autres Etats arabes que cette question soit examinée à la lumière des résultats enregistrés. En réalité, cette expérience, n'a pas toujours été une réussite parfaite, et c'est pourquoi, comme le déclare souvent le président Chamoun, il est nécessaire de repenser la mission de la F.D.A. Ainsi l'expérience de nos frères les Syriens se transforme en éléments de stabilité et de paix, en revenant à sa mission essentielle et unique".

Parlant du séminaire des Kataeb:
"Le dernier séminaire des Kataeb se distingue des autres par le fait suivant: En dépit de tout ce qui est arrivé et des accusations lancées contre ce parti libanais et son chef supérieur Pierre Gemayel, les Kataeb ont affirmé une fois de plus leur attachement à la coexistence islamo-chrétienne et au dialogue".
"Pierre Gemayel, ajoute Selim Laouzi, reconnaît le Rassemblement islamique et le Front pour la sauvegarde du Sud comme les véritables représentants de la communauté mahométane. Les leaders musulmans ne parviennent pas à se débarrasser de l'emprise exercée sur eux par des éléments connus de tous".

Après l'attentat commis contre la revue "Al-Hawadess" en 1974, à Ain-Remmaneh, Selim Laouzi devait écrire:
"Notre mission à nous journalistes et hommes de presse qui tenons la plume de la partie, est d'abord de sauvegarder cette patrie: son territoire, son langage, de toutes nos forces et sans répit. Les attentats et le terrorisme ne devraient nullement nous effrayer. La vérité doit être courageusement dite. Notre patrie a besoin de nos initiatives et de nos idées constructives. Nous pouvons beaucoup, nous journalistes, pour la bonne entente et l'équilibre de toutes les familles libanaises islamo-chrétiennes. Il est aussi de notre mission de poursuivre sans miséricorde les terroristes, les voleurs et les méchants, avec autant de vigueur qu'ils sont plus haut placés. N'oublions pas que nous sommes l'un des derniers pays où la mission du journaliste peut garder toute sa dignité".

Apres l'entrée de la F.D.A. au Liban:
"Le miracle syrien" a opéré. Les armes se taisent dans un endroit après l'autre. On démobilise. Les forces de l'ordre s'installent dans les positions des combattants. Les événements sanglants de Ain-Remmaneh-Chyah ont exprimé sous une forme émouvante les sentiments profonds de tous les Libanais. Et ce peuple aspire, par delà ce qui le divise, à la concorde, à la fraternité.
"C'est au tour du "miracle libanais" maintenant de se faire sentir. Ce n'est ni à la Ligue arabe qui se réunit à l'obligeante initiative du Koweït pour débattre de nos affaires, ni comme le pensent d'importants commentaires de la presse européenne, en dehors de nous, quelque part entre Damas, Moscou et Washington, que nous devons chercher notre salut. C'est d'abord en nous et par nous. Jamais les Libanais, à quelque bord ou à quelque confession qu'ils appartiennent ne se seront sentis aussi fortement attachés au Liban, et n'auront compris tout ce qu'il représentait pour eux, qu'au moment où ils risquaient de le perdre".

Voici un éditorial de Selim Laouzi:
"Nous luttons pour notre façon de vivre et pour nos foyers. En défendant ce point de vue, c'est finalement, contre des séductions trompeuses, notre prospérité future que nous défendons." "Mieux que personne nous connaissons au Liban les nécessites de l'indépendance. Le Liban se bat comme toujours pour la liberté; une liberté consciente, une liberté réfléchie, une liberté mesurée et qui a fait ses preuves."
"Cette grande vérité ne doit pas échapper à nos frères les Arabes. Le jour où nous ne serons plus suffisamment maîtres de notre politique économique et culturelle, nous serons en voie de tout perdre".
"Sans une connaissance approfondie de la psychologie libanaise et du cas de notre pays, aucun étranger, même nos frères les Arabes, ne nous renseigneront utilement en matière économique et financière sur ce qui nous convient et sur ce qui ne convient pas".

Parlant du plan du président tunisien Habib Bourguiba, il écrivit:
"Aux solutions par étapes que M. Bourguiba propose pour la Palestine, voici que M. Eshkol oppose un plan de paix sans étapes. Mais quand le chef de l'Etat tunisien définissait sa position comme une "tactique diplomatique" il ne faisait que se défendre contre ceux qui l'accusent de trahir la cause. En réalité, il semble bien que M. Bourguiba soit persuadé que ses idées pour la réouverture du dialogue sur la Palestine ont un avenir".

Et d'ajouter:
"La politique palestinienne de la Ligue est basée en fait, sur le statu quo frontalier régi par les accords d'armistice, c'est la concession au-delà de laquelle ils ne peuvent pas aller sans se renier. On voit bien par la que le dialogue est impossible. Chacune des deux parties se place sur un plan absolument différent de celui des autres. L'affaire de la Palestine est un état d'esprit. Chaque fois que l'on prétend la traiter comme un conflit entre Etats l'on commet une monumentale erreur. Les peuples arabes, éprouvent, quand il s'agit de la Palestine, un sentiment d'injustice et de frustration, aggravé par la convention que s'ils avaient joui de la libre disposition d'eux-mêmes au moment de la création de l'Etat israélien ils l'auraient empêché de se constituer".
"Six ans sont passés. 887.000 Palestiniens, sont maintenus dans des conditions de mort. Depuis six ans, la plupart sont sous les tentes, subissant les intempéries de l'hiver et les chaleurs brulantes de l'été. Depuis six ans, pour la plupart dans une oisiveté totale, uniquement occupée par des sentiments d'amertume et de désespoir. Le moindre déplacement leur est interdit. Et ils s'interdisent à eux-mêmes tout travail de peur de perdre leur droit au rapatriement".

"Israel, ne veut rien devoir à l'ONU. Il ne veut pas se considérer comme un Etat ne d'une décision de l'ONU. Il ne veut ni une paix fondée sur des décisions de justice, ni une garantie de sa sécurité par les procédures de l'ONU. Il veut une négociation directe avec les Etats arabes. Il croit que l'occupation des territoires conquis le met en bonne posture pour exiger cette négociation et l'obtenir. Et il continue de chercher l'Etat arabe qui, le premier, lui donnera raison.".

Antoun Gemayel 1887-1948
Journaliste


Est-il besoin de rappeler que l'Egypte était durant la première moitié du XXème siècle, le foyer de la liberté et de l'évolution littéraire et journalistique? Ce courant impétueux de libéralisme et de patriotisme qui soufflait sur la vallée du Nil incita beaucoup de jeunes Libanais à l'émigration vers le pays des Pharaons. Ainsi le "Petit Liban" perdit un bon nombre de ses éminents hommes de lettres et penseurs tels Antoun Gemayel, Daoud Barakat, Khalil Moutran, Elia Abou Madi et d'autres…

Les écrits de ces éminents hommes de presse reflètent admirablement l'homme avec ses craintes, ses préjuges, ses aspirations vers la gloire et une forme idéale de république libanaise indépendante dont ils poursuivirent en vain à l'ombre des Pyramides la formation et l'évolution.

Vie et enfance

Bickfaya, superbe localité de la montagne libanaise est située au pied de falaises qui donnent sur la vallée de Nahr el-Kalb et le littoral de la Méditerranée. Au nord, le Sannine la protège des vents chauds du désert syrien et rend ses nuits plus humides et plus fraîches.

Cette ville coquette et paisible de la haute montagne libanaise, était une florissante localité durant l'époque ottomane, mais elle n'a encore livré qu'une partie de son histoire. En effet, les habitants de Bickfaya continuaient jusqu'au milieu du XXème siècle à écouter avec émotion les récits et les légendes des héros de cette agglomération; Abousamra, Chantiri et Dagher qui combattirent les troupes d'Ibrahim Pacha à Bickfaya-Bhersaf en 1840 et les forcèrent à s'enfuir vers la Bekaa.

Plus tard, en 1845, Bickfaya devint la capitale du caimacamat du nord sous le régime de Chakib Effendi, représentant des autorités ottomanes.

De nos jours, cette belle localité du Mont-Liban est un centre particulièrement important pour les villégiateurs libanais et étrangers du fait de sa situation géographique et de son eau minérale de Naas.
Parmi les familles libanaises les plus illustres qui ont consacré le meilleur d'eux-mêmes, allant jusqu'à sacrifier leur vie pour la cause libanaise figurent les Gemayel, originaires de Bickfaya.

En fait, c'est à cette noble famille qu'appartiennent le chef supérieur des Kataeb Pierre Gemayel, ses deux fils; le président de la République libanaise Amine Gemayel et le regretté président élu, le martyr des martyrs Bachir, victime d'un complot qui eut lieu le mardi 14 septembre 1982 à Achrafieh; le peintre César Gemayel et enfin l'éminent penseur et ancien ministre et député le regrette Maurice Gemayel.

Antoun Gemayel naquit à Bickfaya en 1887. Il fit ses études primaires chez les Peres Jésuites à Bickfaya d'abord, puis vint les achever à Beyrouth à l'Université Saint-Joseph. L'enfance d'Antoun Gemayel, au caractère simple, franc et gai, fut heureuse. Ses années d'adolescence devaient marquer cet écrivain journaliste dont la contribution à la diffusion de la pensée libanaise contemporaine fut très importante.

En 1907, Antoun Gemayel fut nommé par les Peres Jésuites rédacteur en chef du quotidien "Al-Bachir".
En 1910, il partit pour l'Egypte et après le décès de Gabriel Tacla on lui confia en 1933, la direction du grand quotidien égyptien "Al-Ahram".

Célibataire endurci, Antoun Gemayel décéda en 1948. Ses écrits et ses œuvres: "Les héros de la liberté", pièce de théâtre (1909), "Al-Soumawal" (1912), "Le roi Hiracle" (1927), "Le Fantôme" (1926); dévoilent le secret de sa pensée sociale contemporaine.

Caractère

La personnalité d'Antoun Gemayel est beaucoup trop connue notamment en Egypte pour qu'il y ait lieu d'en faire le portrait. Ecrivain, journaliste, critique, homme politique, il n'aurait pas été l'humaniste complet auquel va notre respect, s'il n'avait affirmé en toutes circonstances, son exigence de la liberté, s'il n'avait d'avance, récusé tout savoir qui ne se fondait point sur l'exercice de la liberté.

Autour de notre Méditerranée qui est le grand réservoir de la pensée créatrice dans cette région du monde, nombreux ont été et sont encore les Libanais dont l'attachement à la liberté et à l'indépendance continue d'appeler une longue réflexion.

Qu'il nous suffise d'évoquer le souvenir du regretté président Bachir Gemayel, dont l'attachement indéfectible au Liban et à son indépendance est incrusté à jamais dans la mémoire de tous les Libanais.

Antoun Gemayel a constitué autour de sa personne un cercle d'amis attentifs et fidèles. Il était très sociable, modeste, pieux et consciencieux. Il était l'un des journalistes libanais les plus doués de son époque. Par sa lutte inlassable contre les Ottomans, par la diffusion des idées démocratiques, entreprises sur une large échelle dans les journaux qu'il dirigeait "Al-Ahram", "Al-Bachir" et auxquels il collaborait par son influence de politicien averti, il a largement contribué a un changement radical dans la destinée du peuple libanais. Antoun Gemayel avait pour son pays un amour qui frisait le culte.

La pensée d'Antoun Gemayel

"Je n'exclus pas, écrit Antoun Gemayel dans "Al-Ahram", que les situations que les Libanais affrontent quotidiennement puissent, pour un temps, s'assombrir encore davantage. Il est possible que la liberté s'entoure alors de mystère et assure le caractère doublement difficile, d'une vertu initiatique."

"Mais je dis aussi, ajoute-t-il, que les Libanais, qui sauront ne pas fléchir dans leur pense, qui lutteront, chacun selon ses talents, pour que ne s'éteigne pas l'esprit de contestation, pour que la liberté de la pensée puisse triompher partout je dis que ces hommes-là, préparent la grande éclaircie. Ils préparent la redécouverte de la liberté, dont la jeunesse ne fait que commencer. Pour l'instant, le peuple libanais est au cœur de la tragédie. L'intelligence s'est élancée; elle a bousculé les barrières, renversé les murs de clôture, abordé le seuil de l'indépendance. Le protocole de 1861 n'est qu'un simple jeu des nations. Les "cheikhs" des villages du Petit-Liban charges d'élire les députés, étaient forces de voter pour des personnes désignées d'avance par la Sublime Porte et les fonctions publiques se vendaient et s'achetaient ouvertement.

Quant au plan élaboré en 1909 au sein de certaines administrations libanaises visant l'union avec la Syrie et le rattachement par la suite du Petit-Liban à l'Empire ottoman ce plan maudit ne vit pas le jour. Les Libanais ont sacrifié leur vie et leur fortune pour le faire échouer".

L'avenir du Petit-Liban

"Deux conditions nécessaires, écrit-il, pour que le Petit Liban puisse être sauver de l'enfer ottoman: la confiance en soi et l'espoir en l'avenir. Il faut semer les premières graines pour récolter plus tard les fruits de l'indépendance.

"Le Liban fut depuis des millénaires, une terre d'accueil et un centre de culture. Il a été indépendant durant quatorze siècles. Les paysans libanais fréquentaient souvent le littoral et se refugiaient durant les périodes des persécutions dans les montagnes. Ils ont réussi ainsi à imposer leur volonté de fer et a sauvegarder leur indépendance.
"Le sultan Selim Premier en 1516, et Ibrahim Pacha en 1831 avaient tous les deux tenté d'écraser les Libanais mais ils échouèrent et finirent par accorder à ce peuple intrépide son entière indépendance.
Antoun Gemayel réclamait également la liberté du peuple libanais et travaillait secrètement et efficacement pour la réalisation de son projet. Avec la liberté de chaque libanais en révolte, déclarait-il, commence le moment où il désigne clairement, pour lui-même et pour les autres, l'origine de son malheur et le monstre auquel il porte défi.
"Jamais, conclut-il, depuis des siècles et des siècles, la notion de sacrifice n'a été comme aujourd'hui, pathétiquement invoquée par le peuple libanais".

Antoun Gemayel n'a jamais oublié d'exiger l'entrée du Liban comme membre actif au sein de la Société des nations, pour que son indépendance totale soit proclamée et garantie par tous les pays, et selon l'article 10 de la Charte de la S.D.N.

L'annulation du poste de Moutassarrif au Liban

Antoun Gemayel proposait dans ses éditoriaux des reformes à entreprendre dans le "Petit-Liban" il faisait souvent allusion à l'annulation du poste de Moutassarrif par suite de l'incapacité des autorités locales d'alors (1840- 1860), incapacité qui donna lieu plus d'une fois à ces sanglantes tragédies qui couvrent d'un voile d'horreur cette époque. Le Liban de 1845 et de 1860 à fait place au Liban d'aujourd'hui qui renait à la vie morale et sociale, qui pense à son avenir, qui a conscience de sa misère présente, qui n'a plus aucun rapport avec celle des temps passés, et qui souffre du souvenir passé comme d'un remords. Les institutions passées ne répondent plus aux aspirations, aux idées, aux besoins réels de la génération nouvelle. Le Moyen-âge de 1860 à complètement disparu.

"Ce qui nous occupe, ce qui nous préoccupe, écrit Antoun Gemayel en 1895, c'est la reconstitution de notre société sur des bases plus solides de tolérance, de justice, d'ordre et de progrès."

Evoquant le souvenir des Pharaons, Antoun Gemayel dit notamment: …
"De leur vivant, les Egyptiens pensaient beaucoup à la mort, et longtemps à l'avance, ils se préparaient une tombe et des funérailles dignes de leur rang. Cela ne semble pas avoir affecté leur caractère plutôt gai, enclin à la joie de vivre pour autant, bien entendu, que l'on puisse juger l'esprit des gens sur leur manière de vivre sur les objets dont ils s'entourent. En essayant de reconstituer les palais des Pharaons, les archéologues constatèrent que rien n'y évoquait l'angoisse ou la tristesse. En brique crue assez grossière à l'extérieur, l'intérieur était rehaussé de couleurs gaies, et le meilleur goût y régnait. Les portes étaient incrustées d'or, d'argent et de malachite. Des peintures égayaient les murs, les plafonds et même le sol. La seule toilette du Pharaon exigeait les soins d'un éventail de corporations. Les barbiers royaux avaient l'insigne privilège de lui raser le crâne et le menton".

Signalons pour terminer que l'éminent journaliste Antoun Gemayel avait acquis le titre de noblesse (Pacha) et était le conseiller personnel du roi d'Egypte.

Ruchdi Maalouf 1915-1980 Journaliste

Parmi les journaux d'expression arabe qui ont été fondes depuis un siècle figure "AS-SAFA" qui a paru à Abey en 1886. Les deux fondateurs-directeurs étaient à l'époque Ali Nasser Eddine et Hanna Gharzouzi.
Vers 1962, "AS-SAFA" tirait à ses débuts 8000 exemplaires, 12 pages et 8 colonnes par page. Il accordait la première importance à la politique intérieure sans négliger les informations arabes et internationales. Son directeur-fondateur et éditorialiste le regretté Ruchdi Maalouf, ancien éditorialiste et ancien fondateur des journaux: "Saout Al-Marat", "Al-Jaridat", et de la compagnie de Télé-Orient, fut un homme d'action, un journaliste chevronné et un penseur hors de pair. Né en 1915 à Ain Al-Abou, il était marié avec Mlle Odette Ghossein. De cette union naquirent quatre enfants: Hind (musicienne), Amine (journaliste), Leila et Nada. Ancien élève de l'Université de Butler, et de l'Université de Missouri (U.S.A.)

D'abord Bachler of Art de l'Université de Beyrouth, puis Master of Art de l'Université de Bulter, enfin Docteur en philosophie de l'Université de Missouri. Il était également nommé professeur à l'Université Américaine de Beyrouth, au Junior Collège, à l'ALBA, et à l'Université libanaise.

Editorialiste du journal "An-Nahar" depuis 1972.

Dans ses écrits et éditoriaux "Moukhtassar-Moufid" Ruchdi Maalouf se donnait avec une sincérité et un patriotisme qui nous prennent le cœur. Avec lui on plonge dans la critique positive et constructive, notamment quand il développait des thèmes portant sur le "Parlement ideal".

Le public libanais et arabe admirait et aimait les éditoriaux de Ruchdi Maalouf. Ce don de soi pour la carrière journalistique, qui provoque l'effusion d'autrui, cette communion publique dans un même amour, c'est le secret du regretté homme de presse Ruchdi Maalouf.

Voici un extrait d'un éditorial écrit par Ruchdi Maalouf dans "As-Safa":
"Chez nous, depuis la nouvelle législation et après si peu de mois d'existence le Pouvoir exécutif et le Législatif ont grand besoin de sa réhabiliter. Est-ce pour faire oublier leur propre insuffisance qu'ils déversent leur bile sur le Pouvoir judiciaire?
"La Chambre étale son impuissance. Elle est au-dessous de sa tâche. On ne fait pas fabriquer les lois et contrôler l'Etat impunément par une Assemblée relativement si restreinte et dont les possibilités se réduisent à si peu. Les trois Pouvoirs au Liban doivent retrouver leur prestige à coup sûr; mais, tous considère, c'est le Pouvoir judicaire qui est le moins atteint. Si Le Pouvoir judiciaire a connu des faiblesses et en connaît encore, qui niera, sans mentir, que le tort vient de l'Exécutif et qu'il vient du Législatif? C'est une des bizarreries de notre optique politique."

Evoquant le malaise international, Ruchdi Maalouf a dit notamment:
"Le malaise dans lequel le monde se débat va-t-il durer dix ans encore ou bien la vie entière?"
" Ce qui déçoit le plus, c'est qu'on n'en voit pas la fin. Tant de folies ne vont-elles se tempérer que par la mort, la disparition naturelle d'une génération. Il y a surement des maladies collectives inconnues que la science n'a pas repérées et qui se manifestent par un désordre généralisé, durant de longues périodes, dans des pays entiers. L'humanité également se détraque; de longues douleurs, des privations, des soucis qui ont mis trop longtemps à contribution les facultés de l'âme et la matière cérébrale d'un peuple, les effets moraux et physiques d'une propagande pernicieuse, tout cela finit par avoir son retentissement sur la Facon de penser et de vivre. En un mot, ce siècle, ajoute Ruchdi Maalouf, a surement la fièvre; et ce n'est pas du pessimisme que de le constater. C'est au contraire la façon de voir clair pour aboutir quelquefois à un effort de contrôle et de saluts personnels".

Le poète

Nous conservons du poète Ruchdi Maalouf des traits incomparables. Ses poèmes sont imbibés d'un lyrisme parfois oratoire dont nous sommes surpris.

La prose peut-être poème, le poème ne peut être prose: sa mission n'est pas de raconter, mais de nous placer devant une soudaine évidence, et si on lui accorde de raconter, que ce soit pour nous conduire à cette évidence. L'homme, et ce que l'homme peut éprouver de souffrance et de joie, d'humiliation et de grandeur, de communion ou d'isolement, tout cela est exprimé dans les poèmes de Ruchdi Maalouf. Nous découvrons également dans ses poèmes, l'amour platonique, l'amour lointain, la misère, le rêve, le nostalgie, la révolte et la rencontre de l'être aimé.

A l'exception des amateurs, la plupart des hommes ne réclament-ils pas à la poésie d'être un écho prolongé d'eux-mêmes, et qu'elle sache, à un moment donné les exprimer? C'est le cas du poète Ruchdi Maalouf. Ecoutons-le:

"De désir mon cœur est tiré
Vers celle qu'entre toutes j'aime
Pour elle ai toujours soupiré,
Mais ne veux pas que l'on me plaigne
Car de la douleur nait la joie."

Le critique

Ruchdi Maalouf sait étudier un document pour en tirer tout ce qu'il contient et saisir pour chaque personne ou chaque fait le détail individuel.

Il s'intéresse aux penseurs libanais et occidentaux et aux œuvres de toutes les époques. Avec une agilité merveilleuse il passe d'un écrivain à l'autre et se plie aux états d'esprit les plus différents. Il a enfin le goût le plus délicat comme le plus judicieux. C'est pourquoi sur les sujets les plus variés dans ses écrits et éditoriaux dont il a traité, il a presque toujours vu juste. A la prendre dans son ensemble, son œuvre est un admirable exemple d'intelligence et d'impartialité critiques.

L'artiste

Pascal disait: "Le monde même l'humanité, l'homme sont des aspects d'œuvre d'art, des jouets gigantesques pour nous par lesquels un Dieu s'est distrait à créer l'harmonie universelle."

Ruchdi Maalouf recherchait la beauté. Il répétait à ses étudiants (A.U.B.) cette phrase: "Tout l'univers visible n'est qu'un magasin d'images et de signes auxquels l'imagination donnera une place et une valeur relative". Il était toujours curieux et ouvert à tout ce qui se passait devant lui. On remarquait également que tout ce qui touchait à l'art ne lui était pas indifférent. Il exécutait les portraits de ses meilleurs amis avec un style et une créativité étonnants. Il peignait également des fleurs et des paysages libanais; mais ses portraits sont très expressifs.

Cette faim de peinture, associée à la culture et au journalisme l'incita souvent à partager avec les artistes libanais contemporains le goût du libre jeu de la couleur et celui du portrait. Signalons à cette occasion que la plus belle toile réalisée par le regrette Ruchdi Maalouf est celle de son épouse Odette (1971). Il a, en outre, offert une toile merveilleuse à Charles Malek, représentant Aristote.

Ruchdi Maalouf était membre de l'Association des artistes européens.

Conclusion

Ruchdi Maalouf est considéré à juste titre comme l'un de nos plus grands penseurs et écrivains-journalistes. Il était la conscience vivante de toute son époque. Il a visité toute l'Europe, les deux Amériques et les pays arabes. Il possédait bien l'anglais, l'arabe et le français. Conscient de son rôle de père et d'époux, il était simple et accueillant.

Je l'ai connu, en son milieu, noble dans ses intentions, honnête dans son comportement, modeste malgré sa vaste culture et un vrai patriote; son amour pour le Liban était immense.

Son père, Boutros Moukhtara Maalouf, et sa mère Nazira Maalouf étaient particulièrement attachés à leurs cinq enfants: Ruchdi, docteur Fakhri, Hilmi, Kamal et Fawzi. Ruchdi Maalouf fut également un éminent éducateur. Il défendit avec acharnement la cause de la femme libanaise. Ses nombreuses conférences, portant sur l'art, la musique, les hommes de lettres et la vie sociale au Liban, avaient un cachet particulier. Ce qui dominait dans le monde journalistique et littéraire de ce grand homme de presse c'est l'intensité descriptive de sa phrase avec le souffle lyrique et patriotique.

Il s'éteignit à Beyrouth le 17 août 1980. L'ordre du Cèdre lui fut décerne à titre posthume; elle fut épinglée sur son cercueil. Il était titulaire également de nombreuses distinctions honorifiques.

Sœur Marie-Roger Zoghbi, née Adèle-Elise Religieuse-journaliste (S.F.M.)

L'adolescence dans l'histoire de l'humanité à travers toutes les civilisations et toutes les cultures, a toujours été l'objet de réflexion et de méditation. Or, pour qu'un adolescent puisse réussir plus tard dans la vie et bâtir un avenir meilleur, il lui faut une ambiance familiale saine et sincère. Certes, c'est le milieu dans lequel naquit et grandit Sœur Marie-Roger. L'essentiel pour une première étape fut, qu'elle se sache et se sente aimée par des parents qui vivent en harmonie parfaite, qu'elle vive aussi dans un contexte chrétien, un milieu familial où la foi est vivante, et c'est le cas.

Vie et enfance

Tous les Libanais se souviennent avec amertume des malheurs qui se sont abattus sur notre pays durant la Première Guerre mondiale. La société libanaise dont les assises économiques et politiques étaient annihilées par la Sublime Porte, dut subir avec cette terrible guerre, la famine, la terreur et l'émigration. Des dizaines de milliers de paysans libanais de la haute montagne émigrèrent vers les U.S.A. et l'Egypte. Les autres périrent sur place. Les parents de Sœur Marie-Roger Zoghbi s'embarquèrent à leur tour pour le Sénégal. Ils ont surmonté tous les risques en quittant leur petit village, Chawieh, situé prés de Freiké (Matn). C'est donc à Dakar (Sénégal) que naquit en 1930 Sœur Marie-Roger, au sein d'une famille relativement aisée et particulièrement attachée aux traditions religieuses maronites libanaises.
Son père, Salloum Zoghbi et sa mère, Yamama (Colombe) Richa Zardan avaient six enfants. Quatre garçons et deux filles. Tous vivent à l'étranger à l'époque actuelle.

Salloum Zoghbi était commerçant. C'était également un homme actif, très pieux et honnête. Il possédait plusieurs langues notamment le française et l'anglais.

Yamama Zoghbi était issue d'une famille portée vers les lettres. Femme cultivée, elle avait un goût raffiné et était profondément humaine. Salloum Zoghbi se chargea lui-même avec son épouse de la première éducation de leurs enfants et les préparèrent au Collège.

Mon père, confie Sœur Marie-Roger, aimait le travail sérieux, il nous inspirait le goût du beau, du spirituel et du grand.

Ainsi préparés, Sœur Marie-Roger et ses frères furent envoyés au Liban chez les sœurs de la Sainte Famille Maronite à Beyrouth (Achrafieh) où ils firent leurs études primaires et secondaires avec succès (1938-1945). Dynamique, affectueuse, elle étudiait avec ardeur, aimait beaucoup ses professeurs et les religieuses qui la côtoyaient. A l'âge de 15 ans, Sœur Marie-Roger fut appelée par certaines voix intérieures et son cœur étreint par le doute. Ce fut une crise terrible mais elle en sortit victorieuse, c'est pourquoi elle prit la décision de se faire religieuse. Son premier vœu eut lieu le 15 août 1948 à la maison-mère, Couvent de la Sainte-Famille Maronite à Ibrine (Caza de Batroun). Apres dix ans (1958), elle prononça des vœux perpétuels en promettant à Dieu de se consacrer au service de la vérité et de la charité.

Après les vœux perpétuels, elle entra à l'Ecole Supérieure des Lettres de Beyrouth où elle suivit des études pédagogiques solides (1968) et collabora activement avec l'Assistance Pédagogique de la Mission Culturelle Française. Elle fut chargée par la suite de l'enseignement du français dans divers établissements scolaires secondaires. En 1969-71 elle se rendit à l'Institut Catholique de Paris et s'inscrivit également à La Sorbonne.

Retour au Liban

Séparée de son pays et des siens, Sœur Marie-Roger ne put prendre racine sur ce sol étranger. Par les études de la piété elle cherchait à combler le vide de son cœur; elle travaillait avec acharnement et elle entrait en relation avec cette jeunesse française croyante qui forma autour d'elle un petit mais admirable faisceau uni pour tous les combats pour faire rayonner partout l'esprit du Christ.

En 1971, elle rentra définitivement au Liban et fut chargée de l'orientation pédagogique dans les écoles de la Congrégation à Beyrouth, Batroun et Jbeil.

Sœur Marie-Roger et les voyages

Sœur Marie-Roger entreprit une série de voyages à l'étranger, visita en 1970, l'Italie, Rome et Dakar puis Lourdes.
En 1971, elle visita l'Egypte avec un groupe de 20 élèves. Ce voyage avait un cachet culturel.
En 1974, elle se rendit au Sénégal (Dakar).
En 1979, elle visita Chypre, Paris et Mexico lors du premier congres mondial maronite.
En 1980, elle fut envoyée à Rome pour participer au Congrès de l'Union Catholique Internationale de la Presse (UCCP)
Partout où elle se trouvait, elle rêvait de son beau Liban toujours fleuri, de ses pics neigeux, de l'air vivifiant de la montagne et de la vie mystique de notre pays.

La religieuse journaliste

La propre éducation de Sœur Marie-Roger, sa solide formation en langue française et sa vision du monde religieux contemporain contribuèrent à l'orienter vers le journalisme. Ainsi une liaison intense s'établit entre elle et son public libanais et étranger.

En mars 1978, elle publia dans "La Revue du Liban" son premier article à l'occasion du premier anniversaire du décès de Mgr Jean Maroun, victime de la guerre (1974) où elle parle du message que nous transmet "l'exemple édifiant de celui qui animait les temps forts de notre vie de chrétien". En fait, "par son admirable silence et son inaltérable patience, Mgr Jean Maroun a su nous montrer combien la souffrance nous met au pied de la Croix et que la Croix nous met dans la pleine lumière pascale". Avec une méthode originale et active de l'analyse journalistique, elle a réussi, grâce à son talent et à son style simple et précis, imprégné parfois d'un lyrisme marquant et pathétique à gagner la sympathie du public libanais. Ainsi débuta la vie journalistique de cette dynamique et active religieuse.

Sœur Marie-Roger est une militante au service de la pensée. A l'occasion de la XIVème journée mondiale pour les moyens de communication sociale, fixée au 18 mai 1980, Sœur Marie-Roger a fait la déclaration suivante: "J'ai toujours eu le goût de m'exprimer par écrit. Depuis l'âge de 14 ans, le papier me semble parfois plus attentif, plus discret que tout autre interlocuteur; et la plume se fait facile entre mes doigts".

Et d'ajouter: "Mon travail est une vraie mission. C'est l'apostolat de la parole responsable. Chaque terme, chaque expression devraient être pesés. Penser au lecteur: c'est primordial. D'ailleurs Vatican II invite les religieux à collaborer aux activités des mass-médias pour l'évangélisation. Je m'adresse donc à tous ceux qui acceptent d'être appelés mes frères. L'essentiel est de les entrainer à lire avec des yeux éclairés. Il se peut que chacun trouve "une miette" pour son intelligence ou son cœur. La presse offre aux lecteurs un patrimoine incomparable".

Définition de la presse

"La Presse, écrit Sœur Marie-Roger, est une épée à double tranchant par son influence considérable. Elle a ses mérites et ses méfaits, comme elle a ses bienfaits. Quant à l'information "audio-visuelle", elle ne peut être séparée de l'école dont elle est la préparation, le prolongement et parfois le substitut. Ainsi la radio et la télévision occupent une place importante dans la formation des jeunes comme des adultes. Quant à la liberté de la presse, ajoute Sœur Marie-Roger, elle devrait être la liberté du public autant que celle de la pensée, chacun est libre de s'informer et d'informer".

Le Centre Catholique d'Information

Ce centre fut inauguré le 14 mai 1978 à Jal El-Dib en présence de Sa béatitude le Patriarche maronite Mar Antonios Boutros Khoreiche, de Mgr Alfredo Bruneira, alors Nonce apostolique, du patriarche arménien catholique, du président Selim Hoss, représentant le chef de l'Etat, du président Charles Helou, de NN.SS. Elias Farah, Joseph Khoury, Salameh Sfeir, des supérieurs généraux des divers ordres et congrégations, de M. Pierre Gemayel, chef supérieur des Kataeb de M. Boutros Dib, recteur de l'Universités libanaise du R.P. Azzi et de nombreuses personnalités religieuses et politiques.

Le but

1- Utiliser les mass-médias au service des informations religieuses et morales.
2- Initiation au bon usage des moyens de communication.
3- Encouragement et organisation de toute œuvre de collaboration dans ce domaine.
4- Propagation de l'information chrétienne au Liban, dans les pays arabes et à l'etranger.

Ce centre est modeste, nous dit Sœur Marie-Roger, mais fonctionnel. Il est à souhaiter que, grâce à ce centre d'information s'établisse un dialogue fructueux avec le monde, dans un climat d'amour et de vérité (La Revue du Liban, No 973 du 20 mai 1978).

Sœur Marie-Roger est chargée officiellement par le Centre de la rédaction de l'article hebdomadaire français concernant principalement la vie de l'Eglise au Liban et d'autres articles socioculturels. Elle est chargée également des articles de fond, reportages et interviews qui paraissent dans le bulletin du Centre Catholique d'Information. Il est à signaler que plusieurs de ses articles ont été publiés dans l'"Osservatore Romano" (édition française du Vatican). Elle publie des articles en langue arabe dans la revue "Al-Rayat", 'Le Reveil" et "Magazine" mais ses publications régulières paraissent dans "La Revue du Liban".

Voici quelques extraits de nombreux articles écrits par Sœur Marie-Roger Zoghbi dans "La Revue du Liban".

Cinquantenaire de la mort du Patriarche maronite Elias Hoyek (24 décembre 1931- 24 décembre 1981)

Né à Helta (Liban-Nord) en 1843, Elias Hoyek fait ses études primaires à l'école Saint-Maron (Kfarhay) de 1851 à 1859, année de son entrée au séminaire de Ghazir.
En 1865, il est envoyé à Rome par le patriarche Boulos Massaad, en vue de terminer ses études. Ordonné prêtre en 1870, il est nommé deux ans plus tard secrétaire de Sa Béatitude.
En 1875, l'idée de fonder une congrégations féminine commence à germer dans son esprit: il la réalisé vingt ans plus tard, au prix de grands sacrifices. Plusieurs fois, il représente le patriarche à Constantinople à Rome et à Paris.
Le 6 janvier 1899, il est élu patriarche d'Antioche et de tout l'Orient et se donne totalement au service de l'Eglise de la patrie et de l'humanité entière.
Evoquer la personnalité de Hoyek nous incite à parler de l'homme et du pasteur.

Un grand cœur

Hoyek est, avant tout, un grand cœur qui aime l'humanité et vibre avec elle.
Il incarne la miséricorde divine dans sa vie comme dans ses œuvres. Il partage des souffrances du peuple libanais et à l'instar du Maître Divin, pleure lorsque la famine sévit au Liban pendant la Première Guerre mondiale. "Si par ma mort, vous aurez la vie de la paix, dit-il, je souhaite une telle mort. Donnez, donnez a tous. Le patriarcat est une tendre mère qui considère tous les Libanais comme ses enfants et ne distingue pas entre chrétiens et musulmans". Sa devise: "La plus grande joie consiste à donner non à recevoir".
Accueillant, ouvert, compréhensif, Hoyek sait écouter, apprécier, juger; il est capable d'ajouter à son expérience l'expérience des autres. Vous trouvez en lui cette disposition profonde de sympathie universelle. Lui qui prêche la charité aux fidèles, et particulièrement à ses filles de la Sainte-Famille maronite, a toujours donné le témoignage de cette charité dans l'esprit.
Ainsi le 24 juillet 1926 en réponse a l'appel de Pie XI il adresse un message à tous les diocèses récitant de ferventes prières pour le peuple mexicain persécuté.
Et lorsqu'en 1910, l'inondation des fleuves en France entraine les pires catastrophes, Hoyek lance un pressant appel au peuple libanais en vue de solliciter son aide pour les Français sinistrés rappelant les nombreux services rendus aux peuples déshérités, ou éprouvés. "C'est avec tristesse et angoisse que nous accueillons la nouvelle de cette catastrophe en France, dit-il aux Libanais, dans son message à cette occasion. La nation française si généreuse, a toujours été au premier rang des nations qui viennent au secours des sinistrés.." (13 message; Bkerké, le 4 février 1910).

Le Séminaire Maronite à Rome

C'est le Pape Grégoire XII, écrit Sœur Marie-Roger qui avait fondé le premier séminaire maronite à Rome. Puis, le cardinal Antoine Carava laissa tous ses biens au profit de cette institution. Mais elle fut vendue en 1798, lors de la conquête de l'Italie par Napoléon. Depuis les patriarches maronites multipliaient leurs tentatives en vue d'établir un nouveau collège à Rome, pour la formation des futurs prêtres maronites. Ce fut au temps de Mgr Elias Hoyek que ce projet sa réalisa, grâce à l'aide sincère et généreuse du Pape Léon XIII, "J'ai connu, affirme le Pape Léon XIII, le patriarche Hoyek. Je le respecte beaucoup et l'estime comme il le mérite. Il m'a aidé à fonder le nouveau collège maronite".

Le fondateur de la Sainte-Famille Maronite

A la "Sainte Famille Maronite" dont il est le fondateur, il donne beaucoup de son cœur, de son temps et de ses biens en vue de l'aider à réaliser ses objectifs: la catéchèse, les œuvres sociales et le soin des malades. Ainsi, répétait-il: "Le patriarcat est la maison de tous les Libanais, sans discrimination aucune, aux musulmans comme aux chrétiens".
En 1892, le patriarche Hoyek avait rencontré Mère Rosalie Nasr, écrit Sœur Marie-Roger, et lui avait demandé de collaborer avec lui à la fondation d'une congrégation féminine. La réponse de la religieuse du Rosaire (Takla Nasr de Kleiat) serait positive au cas ou Mgr Piavi, patriarche de Jérusalem, le lui permettait. L'approbation est accordée avec l'encouragement de la Sacrée-Congrégation de la Propagande.
En 1895, vers la fin de juillet, répondant à l'appel de Mgr Hoyek, Mère Rosalie se rend à Aramoun en vue d'étudier avec lui le projet à réaliser. L'heure de la Providence divine a sonné, dit Mgr Hoyek, il est temps de répondre à la volonté de cette Providence et de commencer une œuvre qui nous est confiée.
Sur l'ordre du Saint Patriarche, elle se rend avec une de ses élèves, sœur Stéphanie Kardouche, dans un petit couvent légué en 1892 au patriarcat maronite par Arsla Lahoud, originaire d'Amchit, couvent qui fut dédié à la Sainte-Famille.
En juin 1896, les religieuses se trouvent contraintes de déménager prés de Notre-Dame Maritime à l'école de Boutros Schéhadé Mechméchani, à Jbeil. Elles y vivent dans la misère en attendant que Mgr Hoyek trouve à Ibrine (Caza de Batroun) une vieille maison en ruines qu'habitait Abou-Waked Chikhani et qui, alors, faisait partie des biens de l'école Saint Jean Maroun dont le supérieur était le père Boutros.
Le 9 novembre 1896, ladite maison fut achetée par Mgr Hoyek qui avait chargé de l'affaire Ibrahim Bey Akl par procuration. Puis, ce fut l'entreprise du réaménagement de cette maison qui absorba trois ans de travail.
Sur l'ordre du fondateur, ajoute Sœur Marie-Roger, les religieuses s'installent définitivement au couvent de la Sainte-Famille à Ibrine cet humble village dont le nom fut donné aux appelés désormais "Sœurs de Ibrine".
Les religieuses de la Sainte-Famille Maronite sont implantées au Liban, en Syrie et en Australie. (No 1152; "La Revue du Liban" du 19 décembre 1981).

La Fête des Mères

Le premier avril 1978, Sœur Marie-Roger a écrit un article dans "La Revue du Liban" portant sur la fête des mères en voici un extrait:
"En la fête des mères, nous avons pense à toi Mère-Patrie". … "Chaque âge a ses désirs secrets. Quant à nous les adultes, nous aurions voulu pouvoir fêter toutes les mères. Mais, hélas, il en est une notre mère à nous tous, que nous ne pouvons fêter; c'est notre mère-patrie, le Liban qui souffre toutes les violences de la guerre. Refleurira-t-il sur les survies? Tel est notre vœu. Au plus fort de l'orage, certaines se sont mises à espérer. L'avenir est fondé, non sur des idées, mais sur une promesse qui est Dieu lui-même. C'est le plus grand service que nous puissions rendre à nos frères; reprendre confiance, garder une âme jeune tendue vers l'avenir. La fête des mères est une invitation à ce rassemblement autour de notre mère-patrie blessée, écartelée, pour lui offrir tous les secours possibles".
"C'est ta fête o mère-patrie"
"C'est ta fête, cher Liban,
"Oui, c'est toi que nous voulons fêter."
(La Revue du Liban, No 1153)
Parlant des droits des handicapés Sœur Marie-Roger écrit dans "La Revue du Liban" No 1159 du 6 février 1982 ces quelques lignes: lignes: "Le Dr Walid Abou-Malhab, handicapé lui-même âgé de 22 ans et ainé d'une famille de quatre garçons, s'est spécialisé en art dentaire en Allemagne après avoir achevé ses études secondaires au Collège central de Jounieh. Il a bien voulu exposer sa conception du handicape et de ses droits."
"Nous ne voulons pas, déclare le Dr Walid, être à la charge de l'Etat ou de qui que ce soit. Nous refusons les collectes et les quêtes. Nous n'avons pas besoin d'apprendre à fabriquer des paniers ou de bricoler pour vivre. Nous avons besoin d'urgence, d'une loi d'une déclaration des droits du handicape. Ce sont, le droit à la Sécurité sociale. Encore faut-il créer une sorte de cité sportive pour handicapes, pour leur permettre toutes sortes d'exercices: plongées sous-marines, chasse, natation, course.
En un mot, ajoute Abou-Malhab, il faut que l'Etat prenne au sérieux les droits des handicapés pour leur assurer une vie digne".
Abordant le problème de la liberté, Sœur Marie-Roger s'est adressée à Mgr Roland Aboujaoudé président de la Commission épiscopale libanaise pour les M.C.S. à l'occasion de la XVème journée mondiale pour les M.C.S qui lui a dit:
"Il s'agit d'une libération fondée sur les efforts à déployer tant par les individus que par les collectivités. Les medias sont, dans ce cheminement, témoins de ce qu'est la liberté et des voies à suivre pour arriver à une vraie liberté, soit la liberté responsable. Car l'homme se réalise par liberté selon l'expression du Concile Vatican II. Servir la Liberté de la presse au Liban, c'est respecter à la fois la dignité des Libanais et du Liban, si chère au cœur de nos jeunes qui n'acceptent jamais de la voir bafouée".

Le souffle poétique de Sœur Marie-Roger

Spiritualisme, patriotisme, lyrisme, voilà comment on peut définir Sœur Marie-Roger poètes. Elle nous offre dans certains de ses recueils de poèmes, des pages d'une véritable chaleur lyrique. Un certain mysticisme s'exhale souvent de sa poésie, surtout quand elle évoque le souvenir de nos éminents chefs religieux et prélats maronites. Son esprit vif et sa pensée religieuse on les retrouve un peu partout dans ses poèmes et sonnets. Ecoutons-la:
Appel de Dieu au fondateur Hoyek (Sonnet)
Mon fils, Elie, écoute-moi, regarde bien
Autour de toi, ce peuple pauvre et misérable
Qui s'en va dans la nuit, tâtonnant, pitoyable
Il a soif il a faim ce peuple plébéien.
Va vers lui, dans ton cœur, tu peux trouver un lien
Entre cette misère et le don ineffable
De ta vie à l'amour.. quel don inconcevable
S'il n'apportait à l'autre et lumière et soutien.
Viens avec moi, viens vivre là-bas, dans la détresse,
Sous l'humble toit déjà privé de tendresse,
Des enfants ont dormi ce soir, suçant le doigt..
Ils ont dormi, tout seuls, avec les yeux humides
le père triste et las ne sait plus ce qu'il doit
Faire pour ces petits. As-tu compris ses rides?
Paris 1970

Conclusion

Sœur Marie-Roger Zoghbi est l'auteur de plusieurs ouvrages notamment:

- Le français fonctionnel, classe de 3ème.
- Un livre spirituel: Rencontre morale, publié en 1975 sous les obus à Ain Remmaneh, méditation et poèmes.
- Une pièce de théâtre composée à Paris (1970-1971) qui a été appréciée par ses professeurs à La Sorbonne.

Ses qualités d'éducatrice ses orientations pédagogiques, son souci de sauvegarder l'avenir de la jeune fille libanaise méritent toute notre admiration et notre attention.
"Eduquer les jeunes, écrit Sœur Marie-Roger, au sens de la solidarité des peuples, est-ce un problème à part. Certes, non, car l'éducation fait un tout. Si nous voulons réussir à former des consciences de jeunes, capables de choix présents et futurs et qui seront les artisans d'une plus grande solidarité entre les peuples, nous avons intérêt à créer un certain équilibre dans l'éducation que nous donnons. Développement, solidarité. Voilà les deux termes qui s'inscrivent actuellement dans nos perspectives d'éducateurs.
Comme journaliste, Sœur Marie-Roger à le mérite d'avoir crée une nouvelle école journalistique sur le plan religieux et mystique. Sa prose est limpide et imagée. Les notes et les commentaires sont soigneusement écrits. Il y a de tout dans ses articles; depuis la théologie jusqu'au mysticisme, ainsi que l'actualité littéraire et ecclésiastique libanaise. Sa matière est abondante et elle possède un souffle réaliste.

Joseph Michel Chami

Ecrivain-Journaliste 1927-1977
De nos jours, où l'histoire est considérée avant tout comme une œuvre de vérité, on donne généralement le premier rang, parmi les historiens libanais de l'antiquité, à celui qui n'eut d'autre passion que celle de la vérité. Or, précisément, Joseph Chami a fait revivre sous nos yeux dans "De la Phénicie" (Prix Said Akl) et dans "Les Cèdres du Liban" les personnes et les choses dont il nous parle. Historien profond, il a de ces mots révélateurs qui nous font connaître admirablement les hommes et les événements. Enfin son style original et hardi, est tour à tour profond, précis et éloquent. Signalons également que ses références et ses descriptions méritent toute notre attention.

Vie et enfance

Joseph Chami a vu le jour en 1927 à Beyrouth au sein d'une famille aisée appartenant à la communauté grecque-orthodoxe. Son père Michel et sa mère Salma, née Assouad, avaient exercé une grande influence sur leurs deux garçons Michel et Jean et l'orientèrent vers la bonne voie et l'amour du sol natal. Les deux frères poussèrent leurs études fort loin, car ils avaient la passion de s'instruire. Le Père supérieur du Collège des Jésuites à Beyrouth estime que Michel Chami était parmi les meilleurs élèves de sa division, au regard perspicace où se concentrent toutes les lueurs d'une âme ardente, à la taille fine et élancée doué et très intelligent. Il s'intéressait de plus en plus aux lettres et à l'histoire, élargissant ainsi peu à peu le cercle de ses études et de ses connaissances.

La passion de Joseph Chami pour l'histoire ancienne du Liban, son obsession à affirmer ses conceptions du monde phénicien et de l'homme, l'art de décrire la vie de nos aïeux tout en faisant activement entrer le lecteur dans son cadre historique millénaire, l'originalité de sa phrase, voilà autant de raisons du succès de cet éminent écrivain-journaliste contemporain. Tous ceux qui travaillaient avec lui et qui le côtoyaient l'aimaient sincèrement pour sa maitrise professionnelle, sa modestie et sa concentration dans le travail, son respect de celui des autres.

Joseph Chami fit la connaissance d'une gracieuse jeune fille, portée également vers les lettres, Gladys Selim Melki qui devait devenir plus tard sa femme. De cette union naquit une fille unique, Myrna, qui a adopté les goûts littéraires de ses parents et s'engagea dans la voie tracée par eux.

Le journaliste

Pour les membres de la grande famille de la presse libanaise, Joseph Chami était un frère et un grand ami. Il avait été formé à l'école du regretté Michel Chiha, à l'ancien "Jour". C'est-à-dire à quel point il avait été astreint à la rigueur et à l'intégrité de la pensée dans l'exercice de la profession. Qualités qu'il avait rapidement acquises et qu'il a conservées jusqu'au bout, tout au long de sa carrière. En 1962, Joseph Chami avait rejoint les rangs de l'équipe de "L'Orient". Georges Naccache, qui se connaissait en hommes, appréciait notamment en lui sa rectitude morale et son sens des responsabilités. Il avait orienté vers les chroniques économiques, dans lesquelles il s'était par la suite spécialise.

A la fusion "L'Orient-Le Jour", Joseph Chami avait été au nombre des rédacteurs des deux journaux maintenus à leur poste. Il avait en charge les pages de nouvelles économiques, qu'il traitait avec autant de savoir que d'amour de l'information exacte.

"En réalité, écrivait Henri Moukheiber, Joseph Chami était surtout un Libanais, un de ces Libanais de bonne souche comme on n'en trouve plus beaucoup. L'honnêteté intellectuelle, le travail, consciencieux l'attachement à la patrie, la non-commercialisation du patriotisme, tout cela paraît aujourd'hui si profond qu'on a presque honte de l'attribuer à quelqu'un. Dans les pages qu'il dirige, les informations qu'il sélectionne et les chroniques qu'il signe, on reconnaît son souci du travail sérieux et bien fait".

L'éminent journaliste Edouard Bassil a écrit dans la Revue du Liban le jour de sa disparition ces quelques lignes: "La presse libanaise d'expression française a perdu, cette semaine un de ses éléments les plus représentatifs. Joseph M. Chami est mort à la force de l'âge alors qu'il était encore en mesure de beaucoup donner au Liban qu'il avait aimé jusqu'à l'idolâtrie. Le bon Joseph nous a subitement quittés, plongeant dans l'affliction tous ceux qui l'ont connu."

Le regretté Joseph Chami était doux et modeste. Son libanisme s'extériorisait par ses appels francs et ses écrits portant sur l'entente parfaite entre les membres de la même famille libanaise. Son attachement à son pays était indescriptible. Il possédait bien le français, l'anglais et l'arabe. Quant aux langues mortes, il connaissait la langue phénicienne (ougaritique et classique), punique, néo-punique, hébraïque classique. Il connaissait également le grec et le latin. Sa spécialité: archéologie et histoire du Liban et du Proche-Orient et de la Méditerranée (Grèce, Rome, Afrique occidentale).

Sa plus grande joie était d'aller visiter les antiquaires et d'acheter des verreries et des monnaies phéniciennes. D'autre part, précise Madame-veuve Gladys Chami, il a monté lui-même des colliers phéniciens avec des pierres achetées pièce par pièce. Ses promenades de dimanche, ajoute Madame Chami, il les consacrait à chercher dans la montagne libanaise des animaux et des plantes fossiles dont il possède d'une importante collection. Il avait appris également à sa fille Myrna quelques mots de phénicien et il aimait l'emmener avec lui dans ses innombrables visites au Musée de Beyrouth qu'il connaissait par cœur.
Disons enfin que Joseph Chami préparait également deux ouvrages "Lexique de la langue phénicienne" et "Les cosmologies phéniciennes" il est décédé à la suite d'une crise cardiaque le 24 avril 1977.

Le conférencier

Ecrites dans un style riche et élégant, les conférences de Joseph Chami lui ont valu une large audience au Liban comme à l'étranger. Il a traité des thèmes littéraires et historiques.

Voici quelques extraits de ses conférences:
En évoquant l'architecture de Baalbeck et celle de Jerico le 13 mai 1971 à l'Institut des Beaux-arts de l'Université Libanaise, Joseph Chami écrit notamment:
"Aujourd'hui, nous ne sommes plus étonnés de voir s'élever d'immenses buildings. Des projets audacieux et futuristes, telle la "Ville tétraédrique" conclue par Fuller, sont élaborés. Mais pour en arriver là, il a fallu que l'homme primitif commençât par poser la première pierre à des fins architecturales. Il s'avère, d'après l'archéologie, que ce premier geste, la pose de la première pierre, ait été accompli en Phénicie".
Après avoir défini l'architecture, qui est à la fois la science et l'art de bâtir et mis en évidence la renommée bien établie des architectes phéniciens durant l'antiquité, en se référant aux écrits des anciens, le conférencier déclare "que les archéologues et les écrivains qui se sont penchés sur l'histoire de l'art durant l'antiquité disent en général que l'architecture phénicienne est marquée par l'influence de la Mésopotamie, de l'Egypte et de la Crète et que, de plus, elle n'a aucun caractère personnel et aucune originalité. Certains vont même plus loin. Ils affirment que les Phéniciens sont dépourvus d'esprit artistique.

"Mais, ajoute le conférencier, sans vouloir prétendre que l'art phénicien fut le plus brillant de l'Antiquité, et nous ne pouvons pas nous prononcer sur cette question étant donné le manque de vestiges, nous sommes toutefois en mesure d'affirmer que les Phéniciens ont à leur actif des réalisations techniques importantes qu'ils ont léguées à l'humanité."

Les plus anciennes constructions du monde

Remontant à l'époque préhistorique, Joseph Chami indique que l'archéologie nous permet de constater que les plus anciennes constructions et cités à la surface du globe ont été retrouvées en Phénicie et certaines d'entre elles datent du 8ème millénaire, soit de l'époque précéramique. Ce sont Jéricho, Eynan, Munhatta, Tell Ramad, Gebal-Byblos.

"Dès cette haute époque, souligne-t-il, on construisait déjà des maisons ayant des substructures en pierre, des murs en brique de boue séchée et des planchers enduits de plâtre. Au 7ème millénaire, Jéricho était déjà une cité bien bâtie, entourée de fortifications en pierres. On a dégagé dans cette cité un sanctuaire comportant un portique supporté par six poteaux en bois, une spacieuse antichambre et une vaste salle intérieure. A Tell Ramad, village du 7ème millénaire, les maisons en pierre étaient dotées de fours".

Le pilier et la poutre

Joseph Chami déclare également ceci: "Au cours des siècles, les Phéniciens marquent des progrès notables dans l'art de construire. Ils découvrent le pilier et la poutre. La base axiale fait son apparition. Le toit est supporté par un, parfois deux fûts médians. Les murs sont construits en pierres ramleh taillées. Au début du 4ème millénaire, les constructions de Byblos, articulées sur de nombreux poteaux, sont des maisons à plusieurs étages agrégées les unes aux autres. Quant aux temples, précise-t-il, se distinguent bien désormais des habitations. Ils sont constitués d'une cour sacrée dont le sanctuaire est au centre. Les Phéniciens conserveront cette organisation rituelle de laquelle s'inspireront tous les édifices religieux du Bassin méditerranéen."

Les chapiteaux phéniciens

Le conférencier Chami a parlé également des chapiteaux de style phénicien, qu'il a répartis en quatre catégories: le chapiteau proto-ionique ainsi nommé car l'ordre ionique grec en découlé directement, les chapiteaux hiramiens du temple de Jérusalem ainsi que deux chapiteaux composites comprenant des éléments des deux précédents.

Baalbeck aussi est Phenicien

Joseph Chami a fourni dans ses conférences d'intéressantes indications sur les demeures des patriciens, les maisons dans les cités et les habitations rurales au cours de la période comprise entre la fin du second millénaire et le 1er siècle avant l'ère chrétienne. Il a décrit finalement les temples de Baalbeck en soutenant qu'en dépit du fait que leur apparence extérieure est celle de monuments romains, style en vogue du temps de l'Empire, ce sont en fait des temples phéniciens, construits par des architectes phéniciens selon les conceptions phéniciennes et affectes au culte de divinités phéniciennes.

Reprenant les termes de Charles Corm, Joseph Chami conclut que Baalbeck est le prodige le plus impressionnant du génie architectural phénicien. C'est l'un des plus grands gestes de l'histoire humaine.

De la Phénicie

Cet ouvrage de Joseph Chami paru en 1967 fait ressortir l'importance croissante de notre pays dans les divers domaines, depuis des millénaires, au point que l'histoire de la Phénicie se confond avec l'histoire de nos aïeux qui ont conservé leur identité historique à travers les siècles.

Joseph Chami découvre avant les autres écrivains journalistes un grand nombre d'aspects de l'évolution socioculturelle des Phéniciens. Cela fait partie de la définition de son talent. Son œuvre, certes, fait date pour ses qualités littéraires et pour sa valeur d'histoire.

"Révolté par l'injustice d'hommes de sciences ou de particuliers, écrit l'Emir Maurice Chehab, directeur général des Antiquités au Liban, dans sa préface "De la Phénicie" Joseph Chami s'est donné pour mission de montrer les éminents services que les Phéniciens ont rendus à la civilisation et à l'humanité dans les domaines les plus variés. Il s'est penché sur les textes et les découvertes, accumulant patiemment et passionnément les preuves. Certains chapitres de son ouvrage, comme la médecine chez les Phéniciens, ne le cèdent en rien à l'œuvre de savants spécialistes." En voici quelques extraits:

"Il est difficile, précise Joseph Chami, de pouvoir écrire actuellement une histoire de la médecine phénicienne. Non seulement les études faites à ce sujet par les spécialistes sont rares, fragmentaires et d'une portée tout à fait limitée, mais aussi parce que les éléments nouveaux dus aux récentes découvertes archéologiques, ne sont pas encore divulgués."
"Certes, on peut présumer que durant l'Antiquité classique, c'est-à-dire à partir du Vème siècle avant l'ère chrétienne, la médecine dans les pays de la Méditerranée orientale devait être à quelques nuances prés partout la même: à Tyr, Sidon, Gébail Arvad, comme à Thèbes, Athènes et Corinthe. Mais même pour l'époque classique, ajoute Joseph Chami, nous manquons tout à fait de traités de médecine spécifiquement phénicienne, comme on en trouve par exemple pour l'Ecole hippocratique."
"Toutefois grâce à l'archéologie, nous avons maintenant l'assurance que la science médicale avait atteint en Phénicie un Stade avancé et relativement perfectionné au moins un millénaire avant l'époque classique, soit au XVème siècle avant le Christ. De plus, la Bible nous permet d'avoir certaines indications à ce sujet, un peu vagues et déformées il est vrai, mais suffisamment édifiantes pour nous donner une idée relative sur la question."
"La médecine, œuvre des dieux. En fait, les textes anciens portant sur la mythologie ancienne, Eshmoun le dieu guérisseur était le dieu de la médecine. Les malades se rendaient au temple d'Eshmon et se baignaient dans les bassins spécialement aménagés et dont les eaux avaient, croyait-on, des vertus miraculeuses. Et c'est à Eshmon que la princesse Shitmanat adressa ses prières pour qu'il guérisse son père Keret, roi des Sidoniens.
"En outre, le traitement des maladies ne se limitait pas en Phénicie à des pratiques relevant de la médecine sacerdotale ou de la superstition. A côté de celles-ci, nous trouvons la médecine scientifique basée sur l'observation clinique et le soin des maladies soit par la chirurgie, soit par des médicaments appropriés. La carrière médicale était généralement héréditaire et se transmettait de génération en génération dans une même famille. La therapeutie, dans le sens actuel du mot, n'était pas ignorée.
"Les Phéniciens croyaient l'homme composé d'un corps et d'une âme. Après la mort, les âmes vertueuses se rendaient aux Champs de El ou Champs Elysées qui ne sont autres que la Terre divine du Liban. Le sang était considéré comme le siège de la vie car c'est par la circulation sanguine que la vie était maintenue, et, belle métaphore, c'est avec le sang que la vie s'écoulait du corps. Il ne fait pas de doute que les médecins avaient une connaissance assez approfondie de l'anatomie du corps et de la formation physiologique de l'homme."
"Quant à la chirurgie, elle avait atteint un degré de perfection remarquable. Preuve en est l'opération de trépanation qui était couramment pratiquée en Canaan à une époque très reculée. Des cranes trépanés, dont l'âge remonte à 2000 ans avant l'ère chrétienne, ont été découverts à Jericho et à Ras Chamra. Il convient de mentionner que pour les opérations chirurgicales, les médecins utilisaient un anesthésique extrait du pavot (serait-ce l'héroïne ou la morphine) et que les commerçants exportaient comme produit pharmaceutique, ainsi que nous l'apprend Homère dans l'Odyssée."
"La chirurgie dentaire avait également atteint un degré de projection remarquable."

Les fruits confits et vin miellé

"Les fruits confits et secs, écrit également Joseph Chami, les compotes de fruits étaient préparés avec toute la finesse qu'exigent ces spécialités. Comme à cette époque on ne connaissait pas le sucre (celui-ci ayant été introduit au Liban à partir du XIème après J-C) c'est surtout avec du miel qu'on préparait ces produits. Lorsqu'on voulait conserver certains fruits le plus longtemps possible à l'état naturel, on les recouvrait d'une couche de cire ou d'argile avant de les déposer dans des chambres fraiches."

La danse sacrée

"La danse occupait dans l'ensemble une place de choix en Phénicie. Nous la voyons mêlée à tous les événements marquants aussi bien dans les domaines religieux que profanes. Les danses, semble-t-il, étaient susceptibles d'amener sur les Phéniciens la bénédiction du ciel. C'est Baal Marqod qui était le "seigneur de la danse".
La langue libanaise, il y a 3500 ans
Joseph Chami dans "De la Phénicie" nous parle également d'un chapitre très instructif portant sur la langue phénicienne où il dit notamment:
"S'il prenait à un Libanais la curiosité de jeter un regard sur les textes originaux d'Ugarit tels que transcrits en caractères latins adaptés pour les circonstances à la phonétique de la langue d'Ugarit, il serait surpris de constater que la plupart des mots, puis des phrases qu'il déchiffre et à peu de chose prés la syntaxe, sont si proches de la langue qu'il parle actuellement au XXème siècle, qu'à certains moments, il croirait lire du Libanais, un peu archaïque il est vrai. Les textes d'Ugarit ont été découverts à Ras Shamra à partir de 1929, par MM. Schaeffer et Chenet. Ils sont écrits en caractères cunéiformes (lettres en formes de coins ou de clous)."

Pythagore

Les récits historiques nous permettent de constater que le mouvement intellectuel s'est maintenu en Phénicie après l'alphabet que durant l'Antiquité classique la Phénicie n'avait rien à envier à la Grèce en ce domaine.
Quant à Pythagore le "sage phénicien de la Grèce" ce prestigieux philosophe et mathématicien serait né à Sidon de parents tyriens. Baptisé à l'âge de deux ans dans les eaux de la source d'Adonis à Afka, dans la haute région de Jbeil, où il a été consacre à la déesse Astarté, Pythagore est ensuite emmené par ses parents à Samos, en Grèce, où ils ont émigré.
Après avoir suivi l'enseignement de Thales, Pythagore quitte la Grèce à l'âge de 18ans et rentre à Tyr son pays d'origine. Apres 56 ans il rentre en Grèce après avoir développé ses connaissances au contact des cultures phénicienne, égyptienne et babylonienne, qu'il énonça le fameux théorème du carré de l'hypoténuse. Aristote lui-même affirme que Pythagore est Phénicien.

L'anthologie poétique est née en Phénicie

Joseph Chami, dans ses études publiées dans "L'Orient" concernant l'un des grands poètes romantiques de l'Antiquité Méléagre de Gadara, précise que ce dernier est né dans l'arrière-pays de Tyr, é l'extrême-sud de la Bekaa. Sa date de naissance se situe autour de 140 avant J.-C. Il est mort en l'an 60 avant J.-C. à Cos, île de la mer Egée après avoir passé toute sa vie dans l'illustre île de Tyr. Le nom de l'ouvrage anthologique de Méléagre est "couronne".

Méléagre compare les vers écrits par des femmes poètes à des fleurs particulièrement élégantes. Dans son anthologie, il groupe les noms de quarante-huit écrivains. Sainte Beuve a bien parlé de cette source de renseignements inépuisables et d'un de ses plus exquis poètes dans son étude sur Méléagre. Signalons à cette occasion que les poètes européens depuis le XVIème siècle s'en sont inspirés souvent. Méléagre était lui-même poète dans l'âme et peut-être considéré comme le plus romantique des écrivains de l'Antiquité classique.
André Chénier, Lamartine, Musset, Voltaire se sont inspirés de poèmes de ce grand poète phénicien.
"Mon âme, écrit Méléagre, m'avertit de fuir l'amour d'Heliodora, car elle sait toutes les larmes et les jalousies que je lui ai dues. Elle me le dit, mais de fuir, je n'en ai pas la force; car cette effrontée m'avertit et, tout en m'avertissant elle m'aime, si tu brules trop souvent une âme qui voltige autour de toi elle s'enfuira, elle aussi, méchante, elle a des ailes".
"Le père de l'Anthologie, Méléagre, affirme enfin que la poésie est avant tout humaniste et qu'au-delà des frontières, elle s'adresse à l'homme".

Les Cèdres du Liban

Après "De la Phénicie" (Prix Saïd Akl), Joseph Chami publie en 1968 un nouvel ouvrage intitulé "Les Cèdres du Liban" préface par S.E. Cheikh Michel Béchara El-Khoury où il dit notamment: "Classer les Cèdres du Liban parmi nos monuments archéologiques ne procède pas d'une vue de l'esprit de M. Joseph Chami, qui s'est longuement penché sur l'histoire de la Phénicie, est orfèvre en la matière. Sa plaquette prouve, textes et arguments à l'appui, qu'une telle assimilation n'a rien d'abusif. Il n'est du reste que d'interroger les grands voyageurs du passé. Leurs évocations témoignent du vertige historique dont ne peut manquer d'être saisi, face à ces géants solitaires, le visiteur doué de quelque imagination."

"Qu'au demeurant, ajoute Cheikh Michel, le cèdre serve d'emblème à notre drapeau n'est pas vain de signification. C'est pour nous le symbole d'une permanence. Et autour du tronc qui jamais ne ploie, il y a les branches rassemblées."

En outre, Joseph Chami explique: "Les Cèdres entrent dans le cadre de l'histoire du Liban et font partie intégrante des textes bibliques. Considérés sous ces deux angles-là, ils ne pouvaient pas ne pas m'intéresser. Et comme la documentation – des notes que j'avais accumulées depuis plusieurs années au fur et à mesure de mes lectures – était prête, il ne me restait plus qu'à composer cette brochure.
"Le cèdre, partie intégrante de notre patrimoine comme nous le prouve Joseph Chami, est illustré à merveille par ce poème phénicien d'Ugarit remontant au XVème siècle avant Jésus-Christ et cité par l'auteur:

"J'ai un message et je te le dirai
J'ai un ordre et je tel le répéterai
C'est le message de l'arbre
Et le chuchotement de la pierre
Le gémissement des cieux avec la terre
Et l'Océan avec les étoiles
Je créerai l'éclair pour que tu instruites les cieux
Et que tu le fasses comprendre
Aux foules qui peuplent la terre".
Enfin voici un poème ecrit par Madame Gladys Chami, veuve du regretté écrivain journaliste Joseph Chami intitulé:
Aux cèdres
Si je parle des Cèdres
Des Cèdres du Liban
C'est qu'ils sont d'un autre temps
C'est qu'ils ont trois mille ans
Si je parle des Cèdres
De leurs puissants rameaux
C'est qu'ils vont sur les eaux
C'est qu'ils sont des bateaux
Si je parle des Cèdres
De leur bois odorant
C'est qu'ils parfument les cimes
De leur essence sublime
Si je parle des Cèdres
Fiers et majestueux
C'est qu'ils sont religieux
C'est qu'ils abritent les dieux
Car ils sont infinis
Les Cèdres de mon pays

Conclusion

La vraie valeur des élites repose sur leurs vertus morales et leur patriotisme. En fait, c'est le cas de notre éminent écrivain et journaliste le regretté Joseph Chami. Il a consacré le meilleur de lui-même aux problèmes socioculturels du Liban. Son style est imagé et révélateur, clair et pénétrant. Ses éditoriaux étaient d'une rare objectivité. Sa disparition prématurée prive la presse et le monde littéraire libanais de l'un de ses meilleurs éléments. Il avait un don particulier pour les recherches historiques et ses ouvrages sont les témoins les plus lucides de ses activités quotidiennes. Il a fait apparaître les Phéniciens dans leur vrai contexte. D'ailleurs ce qui intéresse le Libanais d'aujourd'hui c'est les secrets des événements qui marquèrent notre pays depuis l'ère préhistorique jusqu'aux temps modernes. Or, précisément, Joseph Chami est arrivé malgré tout à parler du peuple phénicien et des Cèdres du Liban avec clarté et précision. Il a passé plusieurs années à déchiffrer les vieux manuscrits à compulser les archives à lire les mémoires et à visiter les bibliothèques. En un mot, l'œuvre de Joseph Chami évoque parfaitement bien la vie, la civilisation et les inventions de nos aïeux, les vrais seigneurs du monde ancien.
Quant à Madame-veuve Gladys Michel Chami elle est considérée à juste titre comme une journaliste chevronnée et un fin poète. Ses articles pertinents dans la Revue du Liban et son souffle journalistique nous séduisent par la diversité du choix et la noblesse du style. Elle est également l'auteur de nombreux ouvrages notamment: "Guirlandes" "Variations Phéniciennes" (Editions Debresse, Paris), "Mille et un proverbes libanais" préface par l'ancien recteur de l'Université Libanaise Monsieur Fouad Ephrem Boustany.
Sat Jul 06, 2013 5:57 pm View user's profile Send private message Send e-mail Visit poster's website
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