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Le Consul François Piquet à Alep de 1653 à1661

 

 
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Le Consul François Piquet à Alep de 1653 à1661
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Il mérite d’être regardé comme l’un des fondateurs religieux de cette réalité politique plus spirituelle que territoriale qu’Etienne Lamy appelait naguère la France du Levant (G.Goyon)

Le génie de la France s’est exprimé de différentes manières sous divers cieux avec les particularités de certaines de leurs formes. Les cathédrales, dans l’unité d’une fonction religieuse et d’un style gothique, marquent le caractère unique de chaque ville épiscopale. Si on les survole d’un regard rapide, dans l’enchevêtrement des arcs-boutants et de la pointe de ses pinacles, elles se ressemblent toutes. Mais si l’on s’attarde à les observer depuis la base dans les voussures de leurs porches chaque pierre nous parle différemment.

Dans l’Amérique du Nord, on retrouve une autre France, Québécoise, avec son caractère bien trempé et son langage si pittoresque. Dans les Antilles en bordure de la mer des Caraïbes, une France encore différente se présente en Créole. Sur l’Océan Indien, avec l’ancienne l’Ile de France devenue Ile Maurice, et l’Ile Bourbon devenue la Réunion, nous rencontrons une autre particularité. Plus loin encore, perdue sur l’immense étendu de l’Océan Pacifique, la Polynésie française, quoique dans une atmosphère tropicale similaire, nous découvrons un surgeon de notre humanité française encore autre.

Il y avait une France magrébine avec un genre de vie bien à lui. On y rencontrait une vie méditerranéenne du nord latin associée à celle du sud musulman oriental. Naguère, elle fut anéantie par un massif rapatriement précipité de la population latine.

Dans cet ouvrage, nous nous arrêterons sur une France du Levant. Elle a pour espace géographique la Méditerranée Orientale. Ses pôles principaux sont les villes de Smyrne devenue Izmir, Alexandrie et Beyrouth. Parfois on a du mal à saisir cette France, la, tant elle est subtile dans sa notion spirituelle. C’est dans un mélange de souvenirs et de rêveries, que nous la rencontrons.

Traditionnellement le Levant désignait en français les pays bordant la côte orientale de la mer Méditerranée : en premier lieu le Liban et la Syrie. Ce sont les États du Levant au sens strict de l’administration française. Plus généralement cette région du Levant inclut également Israël, la Palestine, la Jordanie, l'Anatolie, la Mésopotamie et l'Égypte. La liste des provinces composant le Levant se déduisit de l'article 17 du titre II de l'ordonnance du 3 mars 1781 sur les Consulats, le commerce et la navigation dans les Echelles du Levant et de Barbarie.

On appelait les Echelles parce que le port commercial le plus modeste commençait au sud vers Alexandrie. Puis suivant votre ancienneté et votre compétence, ou la faveur, le Consul ou le commerçant remontait en passant par Saint Jean d’Acre, Saïda, Beyrouth, Tripoli et Alep. Puis d’Antioche on atteignait Smyrne. Le couronnement de la carrière s’effectuait à la Sublime Porte.

Le Levant désigne aujourd'hui plus souvent le « Proche-Orient » ou même de « Moyen-Orient ». Il a un parfum particulièrement français. C’est par alignement sur l'anglais « Middle East » que nous allons, sans trop savoir, soit au « Proche » ou soit au « Moyen-Orient». Il correspond aussi parfois au Machrek (المشرِق en arabe) : mais ce terme, dérivant des racines consonantiques ch-r-k (ش ر ق, « est » ou « soleil levant »), désigne une région plus large qui comprend aussi l'Irak. Un autre terme arabe utilisé est « Cham » (الشام), qui comprend dans sa version large Syrie, Liban, Jordanie, Israël, Palestine et une partie du sud de la Turquie. Il indique la gauche par rapport à la Mecque en saluant l’aube du jour nouveau. Le Yémen correspond à la droite.

Dans la langue française à l'origine « Levant » est issu du vieux français lever, dérivant lui-même du latin levar. Il désigne le côté duquel le Soleil se lève, c'est-à-dire l'est. Ce mot dans la période médiévale prît le sens plus étendu « Orient ». Il désignait tous les territoires méditerranéens à l'est de l'Italie. Ainsi nous allions non seulement au Levant actuel, mais aussi vers toutes les régions de l'Empire byzantin.

A l’époque moderne ce sens se conserva pour désigner les régions dépendant de l'Empire Ottoman. Le commerce des Capitulations[1] avec le Grand Turc était couramment appelé « commerce du Levant »[2]. Les « échelles du Levant » étaient les ports et les villes de l'empire ottoman, au Proche-Orient ou en Afrique du Nord tels qu’Alger, avec lesquels commerçaient les négociants français. Dans ces ports, le sultan renonçait à certaines de ses prérogatives, notamment en matière juridique, en faveur de négociants français. Ils dépendaient alors directement du roi de France qui leur octroyait des privilèges. Le souverain français était représenté par ses Consuls. Ces échanges entre les deux puissances s’enregistrèrent dans des actes particuliers, sous le nom de « capitulations ». Les premières furent signées entre François Ier et Soliman le Magnifique en 1536. Génériquement les habitants de l'empire ottoman, enfin étaient appelés Levantins plus tard on utilisa Turco. On retrouve cette expression en Amérique du Sud. Par cette marque originelle commerciale, on comprend que ces qualificatifs prirent parfois un sens péjoratif d’affairistes.

Au XIXe siècle, le mot Levant commença à recouvrir des espaces différents : chez les écrivains et les poètes, il désignait encore toutes les régions de l'Empire ottoman. Tandis que, pour les archéologues, les historiens, et à leur suite les politiques, il se réfèrera plus précisément à la zone comprise entre la chaîne du Tarse et la mer Rouge. Aujourd'hui le terme est toujours couramment utilisé par les archéologues et les historiens pour se référer à cette région, particulièrement aux temps préhistoriques, antiques et médiévaux. Le terme est encore parfois utilisé pour parler d'événements, de personnes, de cultures ou des États du Liban, de Syrie, de Jordanie, d'Israël et de Palestine.

En anglais, l'expression de Southern Levant (« Levant Sud »), ne recouvre que six espaces urbains suivant ; Amman, Beyrouth, Damas, Gaza, Jérusalem et Tel-Aviv. Le terme est également utilisé par le groupe armé djihadiste EIIL (Etat International Islamiste du Levant), pour désigner l'Irak et la Syrie. Est-ce l’influence du vocabulaire des quelques 4 000 volontaires Djihadistes francophones en pleine folie dans leur perte de repères ?
Dans un sens purement maritime de la géographie, « Levant » est le nom du bassin oriental de la mer Méditerranée. Ses fosses descendent à près de 3 300 m (près de l'île de Crète). Il est bordé par la Grèce, la Turquie, Chypre, l'Égypte et la Libye. C'est un passage commercial important puisqu'il est au carrefour de plusieurs voies de communication célèbres : ancienne Phénicie, route de la soie, route maritime de l'Extrême-Orient par le canal de Suez. Dans le domaine géologique le nom Levant a été bien pratique pour nommer la faille entre la plaque arabique qui remonte vers le nord et la plaque Africaine qui comprime la Méditerranée. Elle part du golfe d’Akaba puis va jusqu’à la Mer Morte à moins 400 m au-dessous normal. Elle remonte le fleuve du Jourdain entre au Liban. Elle partage le petit pays du cèdre en deux en bas de la chaîne du Liban. Ainsi la Bekaa fait partie de plaque arabique. Cette faille du Levant continue en Syrie et en Turquie jusqu’aux montagnes du Taurus.[3]

Après la Première Guerre Mondiale, Smyrne vécut un énorme drame au point de changer de nom en devenant Izmir. Elle se transforma irrémédiablement dans un cataclysme humanitaire dans la première quinzaine de septembre 1922. Toute une catégorie de population fut chassée par le fer et le feu. C’était la conclusion des victoires anatoliennes d’Inönü, janvier 1921 et d’Afyon août 1922 d’Atatürk.

Après 1952 en Egypte il se produisit le même phénomène de déplacement de population d’une manière moins violente certes, mais tout aussi irréfragable. Le moteur en fut l’exaspération du nationalisme arabe avec le socialisme de Gamal Abdel Nasser. Alexandrie, Le Caire et Ismaïlia, perdirent la touche française. Pourquoi citer ces trois villes séparément ? Ceux qui vécurent à l’époque dorée de 1880 à 1952, connaissaient les subtiles différences des trois populations françaises.

Auparavant, qui serait allé dans ces villes d’Alexandrie ou d’Izmir au travers de certaines personnes ou certains lieux, y pouvait voir une France Levantine bien vivante. Elle s’exprimait surtout au travers de la possession en finesse d’une langue châtiée. Meilleure que bien des patois provinciaux des paysans de la douce France. Souvent s’ajoutait une Foi Catholique ferme malgré la III République Française anticléricale. Mais toujours se marquait la fierté du caractère français. Il s’assumait dans la certitude de l’excellence de sa civilisation. Ce modèle rivalisait bien souvent avec le modèle britannique et non avec l’Orientalisme

Sans remonter à des temps immémoriaux, comme les croisades, avec leurs bruits et leurs fureurs nous pouvons faire débuter cette France du Levant d’une manière bien modeste par le Consul du Royaume de France, François Piquet. C’est tout le contraire de la France magrébine qui débuta avec le débarquement militaire de Sidi-Ferruch en juillet 1830 et se termina avec les retours en métropole des troupes en juillet 1962. Avec le nouveau Consul de France d’Alep en 1652 nous commençons bien modestement dans le travail d’intermédiaire de bonne volonté, malgré ses 26 ans. Il écoute plus qu’il ne parle. Il apprend plus qu’il n’impose, dans le négoce comme dans la politique ou le religieux. Tout le monde sait que dans l’Orient compliqué, les subtilités religieuses provoquèrent de multiples schismes et hérésies. Elles se transforment alors en chapelles rivales. Sa probité était telle que le Pacha le nomma juge des différents qui s’élèveraient entre chrétiens quels qu’ils soient. Il n’était pas facile d’être commerçants sans subir des avanies. Par une représentation ferme au Pacha, le Consul François Piquet obtint quelles cessent. Sa sagesse, son humilité le font estimer par tous ; des Pachas, comme des négociants, des Français ses compatriotes Catholiques comme des ennemis Hollandais Protestants Calvinistes. Ceux-ci le choisirent même comme consul de leur nation alors que dans ce début du règne du Roi Louis XIV, le Ministre Jean-Baptiste Colbert les voyait, obsessionnellement, comme des rivaux implacables du commerce français. Quand il revint en France en 1660 c’est un François Baron qui le remplaça[4] comme Consul. Monsieur François Piquet entra dans les Ordres. Il entama une carrière ecclésiastique. A cet âge bien avancé, il se mit à étuder au Séminaire. Il reçut comme base de revenu le bien modeste alors prieuré de Port Grimaud en Provence. Les qualités qu’il avait montrées, le rendirent indispensable. Elles l’obligèrent par devoir d’obéissance à retourner à Alep en 1675. Cependant il se présenterait comme évêque in-partibus[5] de Césaropole en Cappadoce[6]. Il y alla. On devine que la position de cet Evêque Catholique au milieu des Orthodoxes sous domination Ottomane devait demander beaucoup de finesse pour se faire accepter. Ensuite il passa en Arménie. Il continua jusqu’en Perse. Il y mourut à Hamadan[7] le 26 août 1685. La chronique dit qu’il n’osa pas, par prudence, revenir tout de suite dans l’Empire Ottoman parce que celui-ci venait de subir une défaite lors du siège de 1684 de Vienne en Autriche. Tout le personnage est là, dans la finesse de perception des situations.

Il illustre parfaitement ce que sera cette France du Levant pour le restant de l’époque moderne. Sa base sera toujours une fonction d’intermédiaire. En permanence quelques soient les circonstances la fonction de la France sera entre deux. J’y vois la même fonction que dans les relations avec la Confédération des Treize Cantons (Suisse) dans l’Ancien Régime. Etrangement, le représentant du Roi Très Chrétien à partir de la ville de Soleure, servait de conciliateur dans les tensions entre les Cantons Catholiques et Protestant, ainsi qu’entre les Villes et les Campagnes. Cependant nous partons d’une identité clairement définie comme chrétienne et catholique. Un travail de soulagement des corps par une activité hospitalière qui ne se relâche jamais[8]. Un enseignement disponible pour tous avec la langue française comme instrument mais aussi comme affection. Par contre en retours vers la France de la langue arabe, turque, arménienne ou perse, furent beaucoup plus faible. Nous pouvons noter une absence d’aspects militaire alors qu’avec les Suisses il y avait le Service. C’est assez particulier pour y être souligné.

Justement dans cet ouvrage nous voulons aborder les anciens combattants dans l’Armée Française.

Cette Armée du Levant eût une présence assez courte 1918 à 1948 par rapport à la longue présence française en Orient. Elle n’en reste pas moins intense. Quand nous voyons la difficulté de rétablir un ordre au Moyen-Orient après un temps de confusion, nous prenons mieux en considération le travail de cette Armée du Levant pendant ces trois décennies. Ce ne fut pas gratuit en efforts et en sacrifices. On ne compte pas combien il eut de dévouements et de dévouements afin d’obtenir un ordre imparfait. Cette construction politique tint plus d’un demi-siècle. Mieux, il semblerait qu’après la possibilité de disparition la Syrie, l’Irak demeureront dans les limites fixées en 1920. Toutefois il semblerait que pour intervenir dans cette région il faille puiser dans les plus profondes ressources spirituelles de l’être humain. Les hésitations, les difficultés d’intervenir à notre époque ne viendraient-elles pas de là ? Nous voyons bien que sur le plan technique nous avons largement surclassé nos aïeux mais nous sentons un manque au niveau spirituel.

Il ne faut jamais oublier dans la lecture de cet ouvrage que la présence française au Levant et dans tout l’Empire Ottoman avant 1914 était supérieure à n’importe qu’elle autre nation. Ancienne comme l’Angleterre concurrencée par l’Allemagne Wilhelmienne nouvellement arrivée devaient parler le français. C’était naturel dans les classes éduquées de l’Empire Osmanli. Je me souviens encore du vieux Père Dufaut, Augustin de l’Assomption, à Toulouse dans les années 1960. Il se rappelait de la visite du Kaiser Guillaume II en 1898 à Konya[9]. Le deuxième Reich allemand arrivait à la seconde place économique dans le concert mondial. Le prêtre, originaire des Landes, dans sa longue mémoire en souriait encore. Il faisait remarquer modestement que les drapeaux français étaient beaucoup plus nombreux que les drapeaux allemands au grand étonnement de l’Empereur Germanique. Et ce n’était pas pour un Mondial de Football !

Octobre 1918

Cependant une lecture rapide des évènements de la chute de l’Empire Ottoman nous montre des armées allant et venant aux milieux de massacres de Chrétiens. On attend d’une force militaire de stabilisation. Ce fut l’armée britannique du Général Edmund Allenby qui arriva.

En 1917, la victoire alliée sur l'Allemagne était loin d'être acquise. On débattait la répartition des ressources militaires entre le front de l'Ouest et les autres fronts. Au sein du Cabinet de guerre britannique il y avait des discussions. Les Lords Curzon et Hankey recommandent à la Grande-Bretagne de s'emparer des terres du Moyen-Orient. Le Premier Ministre Lloyd George souhaite lui aussi plus d'efforts sur d'autres fronts. Il veut un commandement plus offensif en remplaçant Sir Archibald Murray au commandement de la Force Expéditionnaire Egyptienne (EEF). En mai, le sud-africain Boers Smuts refuse le commandement. Il voulait être certain d'avoir les ressources nécessaires à disposition pour une victoire décisive. Le Premier Ministre britannique Lloyd George nomme alors Allenby. Il lui donne comme objectif Jérusalem avant Noël 1917. Il lui accorde de larges renforts. Le Chief of the Imperial General Staff, (CIGS),[10] Chef d'état-major général de l'Empire Britannique Robertson ne croit pas à une tentative sérieuse pour s'emparer de Jérusalem. Il choisit de faire pression sur Allenby afin qu'il demande des renforts démesurés pour décourager les politiciens d'autoriser les offensives au Moyen-Orient.[11]

Peu de temps après son arrivée au Moyen-Orient, Allenby apprend le décès de son fils sur le front de l'Ouest le 27 juin 1917. Il estime les forces turques à 46 000 hommes et 2 800 cavaliers. Il considère la prise de Jérusalem possible avec 7 divisions d'infanterie et 3 divisions de cavalerie.

Le général Edmund Allenby gagne rapidement le respect de ses soldats grâce à ces nombreuses visites des premières lignes. Son prédécesseur Murray avait oublié de le faire. Il déplace le quartier général. Il réorganise les troupes stationnées en Égypte en trois corps, le 20e, le 21e et le Desert Mounted Corps. Il soutient également les efforts de T.E. Lawrence avec des groupes de rebelles arabes en les finançant à hauteur de 200 000 £ mensuel.

Au début d'octobre 1917, Robertson demande à Allenby ses besoins en troupes pour faire progresser la ligne de front de la ligne Gaza-Beersheba à la ligne de Jaffa-Jérusalem. Allenby estime officiellement ses besoins à 13 divisions supplémentaires, face à un maximum de 18 divisions turques et 2 divisions allemandes. Lors d'échanges de lettres privées entre Robertson et Allenby, les deux généraux considèrent que les troupes turques sont 21 000 hommes et les Allemands forment 3 bataillons contre 100 000 hommes du côté de l'Empire britannique.

Après la réorganisation de ces troupes, Allenby est victorieux lors de la 3e bataille de Gaza du 31 octobre au 7 novembre 1917 grâce à une attaque sur Beer-Sheva sur son aile droite par le désert. Il poursuit son attaque vers le nord en direction de Jérusalem. Les Ottomans sont de nouveau battus à la bataille du Mont Mujar puis à celle de Jérusalem. Le maire de la ville trois fois sainte Hussein al-Husseini lui remet les clés le 9 décembre 1917.

À la différence de l'entrée dans Jérusalem du Kaiser à cheval en 1898, Allenby, sur les instructions du gouvernement de Londres, entre dans la ville sainte à pied, le 11 décembre 1917 Il est en compagnie de ses officiers et des représentants français et italien. Il entre par la porte de Jaffa. Cette entrée n’est pas triomphale, par respect pour la nature sainte de la ville pour le judaïsme, le christianisme et l'islam. Cependant, un conflit d'autorité récurent l'oppose au représentant français, le commissaire François Georges-Picot. Lui sait qu’elle est la place de la France du Levant. Il réclame ce rôle traditionnel et prépondérant de la France au Levant, tout en mesurant les intentions très fortes de l’Empire Britannique envers la fameuse route des Indes.

Après la prise de Jérusalem, le Général Allenby indique un besoin de 18 divisions pour atteindre la ligne Damas-Beyrouth, afin de couper les lignes de communication des Turcs en Mésopotamie.

Au début de 1918, 50 000 Turcs sont présents au Moyen-Orient. Ils ont en face 400 000 hommes dont la moitié de non combattants. Depuis Lord « Marlborough s’en allant en guerre » l’intendance autrefois, la logistique actuelle des armées britanniques fut toujours impeccable. On dit qu’il y a le nécessaire plus quelque chose en supplément. Il y avait 117 471hommes de troupes britanniques. Avec la mise en place du Conseil suprême de guerre à Versailles, une nouvelle stratégie se met en place afin d'augmenter les efforts militaires sur le front du Moyen-Orient. Le général Smuts est envoyé en Égypte pour rencontrer Allenby et Marshall l’administrateur civil. Allenby en compagnie de Smuts établissent des plans prévoyant le transfert de 3 divisions d'infanterie de Mésopotamie vers le Moyen-Orient pour prendre Haïfa au printemps et Damas à l'automne. La vitesse de progression prévue est faible. Il faut prévoir de remettre en état les lignes de chemins de fer. Cette campagne est validée par le Cabinet de guerre britannique.

Les offensives allemandes du printemps 1918 sur le front de l'Ouest bloquent l'envoi de renforts vers le front du Moyen-Orient, Allenby se retrouve bloqué à Amman ne pouvant s'en emparer malgré des tentatives en mars et avril 1918. Il est contraint de renvoyer 60 000 hommes vers le front de l'Ouest.

L'arrivée de troupes en renfort en provenance d'Australie, de Nouvelle-Zélande, d'Afrique du Sud et d'Inde permet de compenser. La reprise des opérations offensives s’effectue en août 1918. Des mouvements de troupes leurrent les Turcs. Puis le front est percé lors de la bataille de Megiddo. La cavalerie déborde et bloque la retraite des Turcs. L'EEF progresse à un rythme impressionnant. En 55 heures la cavalerie progresse de plus de 90 km tandis que l'infanterie avance de 30 km par jour. La résistance ottomane faiblit. Damas tombe le 1er octobre. Homs, le 16 octobre. Le 25 octobre il rentre à Alep. La Turquie capitule le 30 octobre 1918.

Armistice de Moudros

L'armistice de Moudros est une convention internationale conclue le 30 octobre 1918 dans le port de Moudros sur l'île de Lemnos. L'Empire ottoman est représenté par son ministre de la Marine, Rauf Orbay, et son sous-secrétaire d'État aux Affaires étrangères, Reşat Hikmet Bey, cesse les combats de la Première Guerre mondiale face aux Alliés victorieux. Ils sont représentés par l'amiral britannique, Arthur Gough-Calthorpe.

Les Ottomans renoncent à leur Empire, réduit à la péninsule anatolienne. Il y a de larges territoires soumis à occupations militaires. Le 13 novembre 1918, une flotte alliée composée de 54 navires anglais, français et italiens, et d'un cuirassé grec, entre solennellement dans le Bosphore. Ils jettent l'ancre devant le palais de Dolmabahçe, où réside le sultan Mehmet VI1. Débute dès lors l'occupation alliée de Constantinople (1918-1923).

Dans le prolongement de l'armistice, le traité de Sèvres (1920) placera sous mandats britannique et français les anciennes provinces arabes de l'Empire. Il prévoira la mise en place, dans les provinces de l'est anatolien, d'une grande Arménie indépendante et d'un Kurdistan autonome. Les deux territoires avaient des superpositions. Les Kurdes venaient de massacrer les Arméniens. Aucun des deux peuples n’obtint les terres revendiquées.

Les Alliés, dont les objectifs seront devenus divergents voire opposés, s'effaceront face à une résistance nationale unifiée dirigée par Mustafa Kemal Atatürk, qui reprendra la totalité de l'Anatolie. Il recouvrera même Constantinople par le traité de Lausanne en 1923. Les âpres et rudes négociations se firent en français.

Pour le général Edmond Allenby il fut nommé Field Marshal en 1919 avec l’anoblissement le 7 octobre en tant que vicomte Allenby, de Megiddo et de Felixstowe[12]. Il reste au Moyen-Orient comme Haut-Commissaire pour l'Égypte et le Soudan jusqu'en 1925, année de sa retraite.

Il est considéré comme un des créateurs de l'Égypte moderne. Au cours de ces années, il participe à de nombreuses manifestations militaires et civiles pour le souvenir des hommes morts durant la guerre. Le 9 mai 1927, il pose la première pierre de l’Eglise du Mémorial de Saint André Ecossais [13] à Jérusalem. Cette église est construite à la mémoire des soldats écossais morts durant la campagne de Palestine lors de la Première Guerre mondiale. En 1931, Murray et Allenby sont invités à Aldershot[14] comme conférenciers sur la campagne de Palestine. Murray au cours d'un échange épistolaire préparatoire aux conférences pose la question de l'utilité de cette campagne devant le risque de rupture du front de l'Ouest en 1917.

Le général Edmund Allenby ne se pose pas la question de la même façon. Il met en perspective les conditions de l'époque. En 1917 encore plus au printemps 1918, la Russie arrête la guerre. La France et l'Italie se trouvent fragilisées par les pertes et les mouvements sociaux. Les Américains ne sont pas encore arrivés en nombre sur le front de l'Ouest. Le gouvernement britannique de l'époque craint une paix séparée à l’Est. Elle arrivera d’ailleurs à Brest-Litovsk en mars 1918. Elle donne aux Allemands la maîtrise de l'Europe orientale et des Balkans. Allenby justifie la campagne en Palestine comme un moyen de récupérer des territoires permettant de bloquer la route de l'Inde à Allemagne.

Le Colonel Édouard Brémond

Attardons-nous sur la participation militaire française. Quoique modeste elle ne fut pas négligeable mais n’a pas reçu le retentissement qu’elle méritait. Surtout si nous la comparons avec l’action légendaire de Thomas Edward Lawrence dit Lawrence d’Arabie. Il a attiré sur lui toutes les lumières occidentales pour son action dans la révolte arabe contre l’Empire Ottoman dans la région du Hedjaz entre 1916 et 1917. Lui-même jugeait cette renommée excessive au point de rechercher l’anonymat. C’est d’ailleurs par l’écrit qu’il domina l’imagination de ses contemporains avec «Les sept piliers de la Sagesse»[15] Ces textes sur la révolte arabe et la guérilla dans le désert ne viendront qu’à partir de janvier 1921. C’est la date de son premier écrit dans Army Quarterly, lorsqu’il aura, à tête reposée, théorisé son expérience. Une légende est en train de naître[16]. Elle n’a que peu avoir avec l’histoire.

Actuellement, dans une époque d’images, quelque soient les photos d’archives, il a le visage de Peter O’Toole du film de David Lean Lawrence d’Arabie. Ce film épique, flamboyant envoûtant sorti en 1962 incarne un Lawrence hollywoodien tourmenté, sans être explicite, sur les raisons. Dans le monde réel, la cause en était sa naissance d’enfant naturel, non reconnu, de Sir Thomas Robert Tighe Chapman. D’autres y voient une sorte d’attirance envers les jeunes gens. Il est évident que notre époque n’arrive plus à comprendre ces sentiments de culpabilité profonde qui troublèrent des vies entières au XIX siècles et un peu plus. Actuellement on s’en ferait gloire. Les remords de la « trahison » envers le Royaume Arabe furent inventés après coup sans trop de conviction d’ailleurs.

On pourrait d’ailleurs faire une quintessence des alternatives de l’Arabisme dans une rencontre, entre le Colonel T.E.Lawrence et le professeur Louis Massignon[17]. Ce professeur éminent d’arabe, fut mobilisé au début de la Première Guerre mondiale comme officier dans l'Armée Française d'Orient. Il y apprend en janvier 1917 la mort de son ami Charles de Foucauld. Détaché à la mission diplomatique Georges Picot en Orient, il est envoyé comme officier politique au sein de la première « Légion arabe » en formation en Égypte sous l'égide d'un projet franco-britannique. Il entre aux côtés de Lawrence d'Arabie dans Jérusalem envahie par les troupes occidentales. A la fin des controverses avec T.E.Lawrence, celui-ci lui aurait avoué : « Vous aimez les arabes plus que moi. » A-t-il eu le temps de voir le film et de lire le livre de Benoît Méchin ? En utilisant le futur antérieur bien sûr ; qu’aurait-il pu dire ?. C’est pourtant sans conséquence ; la légende poétique l’emportera toujours sur la réalité sèche.

Certes dès la parution chez Payot en 1929 de la traduction de «La Révolte dans le désert »[18] suscite l’indignation du général Edouard Brémond de l’Armée Française. Lui-même avait publié plusieurs ouvrages sur le monde arabo-musulman. Pourtant Comme le dira plus tard le Général Azan : « Il n’était pas l’islamisant de bureau, qui a étudié le Coran dans la traduction Kasimirski, et imagine dans un fauteuil de cuir rembourré les mesures à prendre pour le bonheur des indigènes. C’était l’homme qui avait vécu au milieu d’eux, sous la tente, dans le bled ».

Il prit la plume pour rédiger en quelques mois une « réponse » à T.E.Lawrence. Elle fut publiée chez le même éditeur en début de l’année 1931 ; «Le Hejdaz dans la guerre mondiale ». La comparaison des deux ouvrages est édifiante. L’ouvrage de Brémond n’a certes pas les qualités littéraires de celui de Lawrence. Il se heurtera à Lawrence. Il le qualifiera de francophobe. Il notera son caractère fortement différent du sien. Contrairement aux archétypes attendus, le Britannique victorien est plus émotif et moins stable que le soldat français de la Belle Epoque. On n’y trouve aucune description de la lumière cristalline du soleil levant au-dessus des dunes ou des rêveries autour du feu de camp. Mais dans le style parfois proche du rapport administratif, une succession de faits, détaillés, précis, référencés, permet de reconstituer la chronologie de la révolte arabe. Malheureusement, ni le colonel ou un de ses officiers ne sauront mettre en valeur leur épopée qui vaut celle de T.E.Lawrence.

Le colonel Edouard Brémond commandait la mission française dans l’Armée du Général Edmond Allenby dans leur remontée depuis le Sinaï égyptien vers Damas

Il est né le 5 novembre 1868, Paris pour mourir le 22 novembre 1948[19] à Paris dans l’autre monde de l’après seconde guerre mondiale.

Sa vie a un déroulement assez classique dans sa qualité exceptionnelle. À l'issue de ses études à l'École spéciale militaire de Saint-Cyr, dont il sort en 1890 ; promotion « du Grand Triomphe ». Il servit au 1er régiment de tirailleurs algériens dans le Sud algérien puis à Madagascar. Il y commanda le 1er détachement allant à Tananarive en combattant. Ensuite il étudie à l’École supérieure de Guerre de 1899 à 1901 suivit par son affectation à l’état-major de la division de Constantine jusqu’en 1904. Il y prépara des manœuvres et des reconnaissances dans l’Aurès. Officier du 2e régiment de tirailleurs de 1904 à 1907, il fut chargé de créer un poste à Sidi Bou Djenane. Il sert ainsi au commandement des postes isolés dans les confins algéro-marocain. Il eut la responsabilité de la police des ports marocains de 1907 à 1908.Il est mis à la disposition du Sultan du Maroc. Il fut nommé chef adjoint de la mission militaire française au Maroc en 1909. Il accéda au statut d’administrateur de la ville de Rabat et de sa banlieue de 1912 à 1913. Il devint chef du service de renseignements de la colonne Henrys de mars à septembre 1913 près de la tribu des Beni Mtir. C’est alors qu’il organisa les premiers tabors de la police chérifienne. Comme excellent linguiste et fin connaisseur de l’Islam, il se fait remarquer par le résident au Maroc le général Lyautey. Enfin il fut commandant d’armes à la création de Port Lyautey[20] de 1913 à 1914. A la déclaration de guerre il revient en France dès août 1914. Il y commanda le 64e régiment d’infanterie en tant que lieutenant-colonel.

Blessé, il fut nommé en Égypte chef de la Mission Militaire Française au Hedjaz d’août 1916 à décembre 1917 en tant que colonel[21] (MMFH).

En effet, le Chérif Hussein de la Mecque, gardien des lieux saints et figure morale respectée dans tout l’Islam appelle en juin 1916 les Arabes à se révolter contre les Turcs. Les Français et Britanniques l’apprennent par une dépêche de l’agence Reuter datée du 21 juin bien que Londres négocie une alliance depuis près d’un an. La Grande Bretagne souhaite aussi ne pas sembler instrumentaliser à son seul profit l’insurrection naissante, afin que le Chérif conserve toute sa légitimité morale. Les Français sont donc sollicités. Paris qui s’inquiète également des sentiments des Musulmans d’Afrique du Nord. Après quelques jours de tergiversations, la France accepte de manifester son soutien. Elle envoie une « délégation politique et militaire ». Les Britanniques, eux, comptent sur l’aide de « Lawrence d'Arabie ». Ils espèrent libérer la péninsule arabique de l'Empire ottoman. Après avoir approché les émirs du Yémen et de l’Asir, c’est le Chérif Hussein du Hedjaz qui prit l’initiative de la révolte.
Les contingents armés Hachémites sont placés aux ordres des quatre fils du chérif Hussein : Ali, Abdullah, Fayçal et Zeid. Surpris et déstabilisés pendant quelques jours les Turcs se reprennent et repoussent bientôt les quatre colonnes bédouines. Elles sont contraintes à la défensive. Cependant la Presse multiplie les articles dithyrambiques. Les tribus, lit-on : « auraient détruit sur une très grande longueur le chemin de fer du Hedjaz, achevé, on le sait jusqu’à Médine et qui pouvait servir à amener les forces turques pour réprimer l’insurrection ». En fait, il n’en est rien. Le cordon ombilical que représente la voie ferrée pour les garnisons ottomanes d’Arabie Occidentale est essentiel. Il est loin d’être coupé. Il faudra attendre la participation des soldats français du 19 corps d’Algérie pour que des coupures significatives soient réalisées.

Le colonel Edouard Brémond dans un premier temps est le coordinateur entre «la députation politique » et « la composante militaire ». Il prépare le pèlerinage de la Mecque aux frais de la métropole des Musulmans d’Afrique du Nord. Il a pour adjoint dans le domaine militaire le lieutenant-colonel Cadi[22].

Il a été le premier musulman algérien sous statut indigène à intégrer la prestigieuse Ecole Polytechnique. Artilleur, l’arme savante, il passe l’essentiel de sa carrière entre la Tunisie et l’Algérie. Il tente toute sa vie de rapprocher la République française de l’Islam.

Dans son aspect politique la mission française est conduite par le Marocain Ben Gabrit. Cette personnalité respectée fut elle aussi recommandée par Lyautey. Cette députation politique est constituée de dignitaires musulmans d’Afrique du Nord. Elle a pour but de nouer des liens étroits avec le Chérif Hussein et de faciliter le déroulement du pèlerinage.

Les missions de la MMFH[23] sont de trois ordres. En premier lieu, il s’agit tout d’abord d’assurer un conseil militaire et politique auprès du Chérif et de ses fils, dont il faut gagner la confiance dans un contexte ambigu de « coopération-concurrence » avec les Britanniques. Ce qui explique que le Colonel Edouard Brémond insiste auprès de ses officiers. Ils doivent mettre en place leurs zones un service autonome de renseignement : « Rien ne doit se passer sans que vous ne le sachiez. Il faut avoir 50 ou 60 agents toujours en route ». En second lieu, il faut assurer l’instruction individuelle et collective des soldats de la nouvelle armée régulière hachémite. Elle est à créer ex nihilo à partir d’un noyau de déserteurs syriens de l’armée ottomane. Les usages, les expériences et les références sont si différentes par rapport au Maghreb qu’il faut être très souple. Il faut penser d’un investissement à long terme. Lors de son premier contact en décembre 1916 le jugement du colonel porté sur les troupes du Chérif dans un compte-rendu écrit est sans appel : « L’armée arabe a montré à nouveau qu’elle était zéro ». En troisième et dernier lieu il faut participer directement aux opérations offensives contre les objectifs turcs. Il y aura une affectation d’un détachement français à chaque colonne hachémite lancée dans le désert. Il se composera de quelques cavaliers avec surtout des artilleurs et des sapeurs. Nous constatons l’importance de l’arme du génie dans les manipulations des explosifs.

Le capitaine Raho devient ainsi « connu de tous les bédouins de la colonne Abdullah pour son entrain et ses qualités militaires » souligne un rapport militaire de l’époque.

La députation religieuse et politique quitte rapidement l’Arabie dès le pèlerinage de la Mecque terminé. Ses effets positifs « pour le moral » sont très largement développés par la presse française. Une hôtellerie française et un dispensaire y furent crées. La République Française laïque et anticléricale, se revendiquait en tant que une puissance musulmane. Comme quoi le discours sur l’incompatibilité entre l’Islam et la république, de notre temps, oublie les expériences de notre propre histoire, pas si ancienne que cela. En 1962, tous ces biens immobiliers furent évidemment remis, à titre gracieux, à la nouvelle république algérienne au grand dam des Tunisiens et des Marocains.

Des relations directes se nouèrent avec le grand Chérif, ses fils et ses ministres. Le bilan malgré tout, reste en demi-teinte. Il est surtout exploité en Afrique du Nord pour prouver aux populations musulmanes le respect et l’attention de la France envers l’Islam.

Donc il ne reste que la MMFH ave le colonel Edouard Brémond à sa tête. Les effectifs sont relativement modestes. A son apogée elle compte à peine un millier de personnes. Pour l’essentiel ce sont des employés pour les bases arrières, avec ses ports sur la mer Rouge. Les centres de commandement et de formation s’établissent au Caire en Egypte. La faiblesse des moyens alloués au colonel Edouard Brémond contraste avec le luxe dont bénéficient les officiers britanniques du Bureau Arabe du Caire. De plus ces derniers jouissent d’un solide appui politique de leurs autorités de tutelles. Ils disposent de fonds secrets extrêmement élevés. Ainsi ils s’attachent la fidélité des Bédouins. Les Français doivent « bricoler » en permanence. Ils multiplient les télégrammes à Paris pour obtenir une batterie de canons de montagne ou un poste radio…. sans succès. Soucieux de ne pas apparaître au premier plan pour ne pas compromettre la notoriété de Chérif Hussein, les Britanniques privilégient les manœuvres indirectes. Ils ont les moyens de les financer. Les Français vont en faire les frais. Ceux-ci détachés par le ministère de la Guerre auprès des Affaires étrangères sont en fait « oubliés ».Ni l’une, ni l’autre des administrations centrales de ces deux ministères ne se préoccupe de donner au colonel Edouard Brémond les moyens de conduire convenablement sa mission. En pratique, les archives du Service Historiques de la Défense à Vincennes sont à cet égard éclairantes, lorsqu’un raid contre la voie ferrée du Hedjaz est conduit, les Britanniques assurent globalement avec quelques avions et automitrailleuses la sécurité éloignées. Les Bédouins patrouillent, stationnent à proximité, sur les crêtes. Les sapeurs et les artilleurs français font effectivement sauter les rails, les réserves d’eau et de bois ainsi que les ouvrages d’art. Les ordres du colonel sont clairs et complets. Ils s’inspirent d’ailleurs de son expériencede lutte contre les tribus révoltées au Maroc. Pendant ce temps, T.E.Lawrence « officier politique » se préoccupe essentiellement d’assurer l’influences des réseaux anglophiles. Il distribue généreusement l’or et les sacs de nourriture. Tous les témoignages, y compris de leurs écrits, des émirs confirment la place éminente prise, dans leurs propres dispositifs militaires, par les détachements français et leurs officiers.

Dans le même temps T.E.Lawrence ne « commande » effectivement des troupes que dans trois occasions principales. La première est dans la prise d’Akaba. Toutefois Les Britanniques et les Français avaient déjà pris la ville auparavant. Puis la perdirent. Avant de la reprendre à plusieurs reprises. En dernier lieu celle-ci n’est plus défendue que face à la mer par un maigre bataillon très mal ravitaillé. La deuxième a lieu dans les combats autour de Maan. Dans cette opération il ne doit son salut qu’au capitaine Pisani et ses artilleurs. La troisième et dernière fois c’est lors de la marche finale vers le Jourdain pour tenter la jonction avec l’armée du général Edmund Allenby venant de Palestine. Cependant, la encore ce sont les artilleurs français qui permettent d’emporter la décision. En clair, les phases durant lesquelles T.E.Lawrence exerce un commandement direct ne sont pas les brillants succès décrits par la légende.

Le rôle perceptible des Français finit par inquiéter le gouvernement de Londres. Lui qui avait initialement pressé la France de participer aux opérations en Arabie. Il s’émeut dès le début de l’année 1917 des résultats obtenus par la mission française. Il demande le rappel du colonel Edouard Brémond devenu visiblement « gênant ». Le commissaire de la République en Palestine Georges Picot, s’aligne sur les positions britanniques. Il souligne en mai auprès du Quai d’Orsay : « L’extrême susceptibilité témoignée par les Anglais chaque fois que dans mes entretiens, il était fait quelque allusion au Hedjaz ou à la mission du colonel Brémond. Il semblait qu’il y eût là un point sensible et que ces interlocuteurs, ceux-là même qui se montraient d’ordinaire les plus animés de l’esprit de l’Entente, devinssent tout à coup méfiant et pleins de sous-entendus lorsqu’il était question de notre politique arabe. » Devant le refus du gouvernement français de retirer la Mission Militaire du Hedjaz le commissaire Georges Picot insiste le mois suivant ; « Nous ne devons pas nous dissimuler que dans cette question du Hedjaz, nous nous heurtons à un intérêt vital de l’Empire Britannique, qui considère qu’il ne peut rien sacrifier en Arabie. Finalement le colonel Edouard Brémond est relevé. Il rentre en France. Même si la Mission est maintenue, ses effectifs sont réduits. Les maigres fonds accordés fortement entamés. L’influence française est d’autant plus diminuée que désormais l’Emir Fayçal revendique pour lui-même et sa famille la souveraineté sur la Syrie ….que les Anglais ont reconnue à la France l’année précédente avec l’accord Sykes-Picot.

Cependant le colonel Edouard Brémond revint en Orient comme administrateur en chef en Arménie puis en Cilicie du 1er janvier 1919 à septembre 1920. Il participa à la campagne de Cilicie. Il commanda ensuite le 54e R.I. à Compiègne. Il acheva sa carrière militaire comme général de brigade commandant le 2e groupe de subdivisions de la 17e région à Toulouse (1923-1928) et mourut en 1948. La carrière de cet officier est particulièrement intéressante, par les responsabilités assumées et les postes occupés, alternant commandements militaires et fonctions politiques dans des environnements particulièrement délicats.

Il est grand officier de la Légion d’honneur.

Campagne de Cilicie 1918 à 1921

L’intérêt premier de la France pour la Cilicie, bien que manifesté depuis la campagne de Napoléon en Égypte et en Syrie de 1798 à 1800, s’était accru depuis l’acquisition en 1909 par des capitalistes français de l’immense ferme de Mercimek : Mercimek Çiftliği, 1 100 km2. Cela représente la taille de la Martinique. Elle appartenait au Sultan Abdülhamid II. En remboursement d’une partie des dettes de l’Empire ottoman il la céda à un organisme financier français. Cette ferme, pourtant privée, était gérée comme une ferme d’État. En développement depuis 1880, elle correspondait plus ou moins à une bande partant des ports de Yumurtalık et Karataş. Elle allait jusque dans les environs de Kozan et İmamoğlu.

Le gouverneur de Cilicie nommés par la France dans la zone française d’occupation au sud furent, du 1er janvier 1919 au 4 septembre 1920, le colonel Édouard Brémond. Il est désigné, le 25 décembre 1918,[24] "pour remplir les fonctions d'administrateur en Chef en Arménie". Son titre devient "Chef du Contrôle Administratif de Cilicie" un an plus tard. C'est ce qui est mentionné dans son dossier de carrière militaire (SHD 13Yd696). Il est alors, âgé de 51 ans en 1919. Nous avons déjà fait sa connaissance dans le Hedjaz. Il apporte en Cilicie sa compétence d'organisateur, mais aussi sa bonne connaissance et son grand respect du monde musulman.

La Grande Guerre est finie mais il s’agit de tenter d’appliquer les traités. Plus exactement mettre à l’épreuve des faits ce que l’on pense exécuter.

Cette campagne de Cilicie est une illustration parfaite de ce que l’éminent historien de la Méditerranée a écrit sur les projets de l’hiver. C’est une saison beaucoup plus rude que certains septentrionaux imaginent. La plupart de ceux, qui voulant prolonger les vacances estivales d’ailleurs en sont forts étonnés lors de leur premier hiver sur la côte. Aussi dans cette mer intérieure où tous les glorieux rêves des hommes ambitieux se rencontrent, bien à l’abri au coin d’un feu. Les plumes courent sur le papier. On imagine ce que l’on fera lors de la saison ensoleillée. Elle commence en général en avril ou en mai. Demain, quarante galères avec dix milles hommes d’armes sortiront du port…Demain vingt mille hommes quitteront les remparts de Bône pour prendre Constantine….Le printemps prochain, on créera un duché à Tunis pour Don Juan d’Autriche…. Un Royaume à Jérusalem s’édifiera….

Dans le domaine politique certaines périodes se prêtent plus que d’autres à ces spéculations intellectuelles de Renaissances, de constructions d’empires. En l’hiver 1916 les circonstances étaient au plus haut point favorables. Les accords Sykes-Picot du 16 mai et franco-arménien du 27 octobre, en sont l’illustration pratiquement parfaite. Ils furent secrets tant il me semble ils furent spéculatifs plutôt qu’en raison d’une diplomatie parallèle[25]. Nous pourrions ajouter la déclaration, elle publique, de Lord Balfour[26] si nous n’allions sur une autre bifurcation où il n’y a aucunement la France et son Armée.
Penchons-nous sur l’accord franco-arménien. C’est une entente politique et militaire visant à soutenir les Arméniens dans la création d’un foyer national en Cilicie. Ce furent les rescapés du génocide qui devaient fournir les éléments humains.
Il avait été proposé par le ministre des Affaires étrangères : Aristide Briand. Il viser à saisir l’opportunité d’obtenir des troupes en vertu de l'engagement français en Orient. Faut-il souligner que les Arméniens en tant que chrétiens étaient des amis fidèles de la France ? De plus, n’oublions pas que le Consul François Piquet, créa l’Eglise Arménienne Catholique faute de pouvoir rallier l’ensemble qui demeura Orthodoxe. Les négociations eurent lieu sous la direction de Boghos Nubar du côté arménien. Les autorités arméniennes rencontrèrent aussi Sir Mark Sykes et Georges-Picot. Le soutien arménien, nommé la Légion arménienne, devait avoir pour commandant le général Edmund Allenby. Cependant, par-delà l’accord, des Arméniens combattirent en Palestine et en Syrie. Il fallut moins d’un mois pour arriver à la décision finale de créer la Légion arménienne. Les parties s’accordèrent sur différents points.
La création de la Légion aura pour but d’autoriser la contribution arménienne à la libération de la Cilicie de l’Empire ottoman. Elle aidera les Arméniens à réaliser leur aspiration nationale en créant un État dans la région. Elle devra combattre uniquement l’Empire ottoman, et seulement en Cilicie. C’était le futur noyau de la future armée arménienne. Il fallut moins d’un mois pour arriver à la décision finale de créer la Légion arménienne.
Maintenant abordons les accords Sykes-Picot. Ce sont des accords secrets signés le, entre la France et la Grande-Bretagne. La Russie tsariste participe aux délibérations. Les Italiens y joignirent leur signature quand ils entrèrent en guerre. Ils prévoyaient le partage du Moyen-Orient à la fin de la guerre. Cet espace se comprend entre la mer Noire, la mer Méditerranée, la mer Rouge, l'océan Indien et la mer Caspienne. On se partage en zones d'influence entre ces puissances l’Empire Ottoman. Celui-ci pour le moment se battait avec ténacité avec l’aide puissances chrétiennes ; l’empire Allemand à dominante protestante et l’Empire Austro-hongrois à dominante Catholique. Ce dernier point n’est pas à négliger car traditionnellement les Autrichiens se portaient comme défenseurs des Grecs Catholiques ou Melkites.

Ce 16 mai 1916, faisait suite à un travail préparatoire épistolaire de plusieurs mois entre Paul Cambon, ambassadeur de France à Londres, et Sir Edward Grey, secrétaire d'État au Foreign Office. Il se concluait entre la France et le Royaume-Uni à Downing Street entre Sir Mark Sykes, et François Georges-Picot. Je crois qu’il ne faut pas confondre zone d’influence et possession absolue même dans l’objectif d’administration directe. Ayons en tête l’aspect prospectif et spéculatif de cette construction diplomatique. Néanmoins il y avait une base géographique.

Une zone bleue française, d'administration directe formée du Liban actuel et de la Cilicie. Une zone arabe A, d'influence française comportant le nord de la Syrie actuelle et la province de Mossoul afin que la zone russe du nord ne touche pas directement la zone britannique du sud. Actuellement nous retrouvons la même problématique entre les USA et la Russie aux mêmes lieux. Nous pouvons mesurer la force du destin ou de la contrainte géographique.

Une zone rouge britannique, d'administration directe formée du Koweït actuel et de la Mésopotamie qui deviendra Irak. Une zone arabe B, d'influence britannique, comprenant le sud de la Syrie actuelle. Une partie s’appellera Transjordanie puis la Jordanie tout court. Une autre partie eut pour nom la Cisjordanie pour se définir un peu plus tard « Palestine mandataire ». Elle une couleur particulière ; zone brune, d'administration internationale comprenant Saint-Jean-d'Acre[27], et Jérusalem. La Grande-Bretagne obtiendra le contrôle.

À la suite de la Révolution d'Octobre 1917, tout le plan se défausse. Les armées russes en 1917 avaient, enfin, acquis un immense avantage sur le front du Caucase. Un nom sonne en particulier la forteresse Erzeroum[28] réputée imprenable et contrôlant un bon quart de l’est turc. Ce bouleversement imprévu renverse l'État tsariste rempart de l’Orthodoxie. Un coup d’état installe le pouvoir bolchevik. Ce parti, sectaire et sanguinaire tout en férocité est profondément anti religieux et antioccidental. Le nouveau gouverneur de Petrograd découvre dans les archives du ministère des affaires étrangères, une copie du texte du traité Sykes-Picot. Il le porte, en janvier 1918, à la connaissance du gouvernement ottoman, toujours possesseur des territoires concernés. Le pouvoir ottoman transmet alors ces informations au chérif Hussein de La Mecque. Auquel avait été promis, en 1915 par les Britanniques dans une série d'échange avec Sir Henry McMahon le haut-commissaire britannique au Caire, un grand royaume arabe. Dès la nouvelle connue, la colère gronde chez les Arabes. Désagréablement surpris par la lecture du traité, Hussein transmet le texte au gouvernement britannique. Il demande des explications.

Le 18 février 1918 le gouvernement britannique y répond : « Le gouvernement de sa Majesté et ses alliés n'ont pas abandonné leur politique qui consiste à apporter leur concours le plus entier à tous les mouvements qui luttent pour la libération des Nations opprimées. En vertu de ce principe, ils sont plus que jamais résolus à soutenir les peuples arabes dans leur effort pour instaurer un Monde arabe dans lequel la loi remplacera l'arbitraire ottoman et où l'unité prévaudra sur les rivalités artificiellement provoquées par les intrigues des administrations turques. Le gouvernement de Sa Majesté confirme ses promesses antérieures concernant la libération des peuples arabes. »

Aux États-Unis, l’idéaliste président Woodrow Wilson[29], tentant de mettre en avant l'argument de l'autodétermination des peuples au milieu des fameux 14 points[30]. Il n’a pas participé aux accords Sykes-Picot. Ils représentent pour lui le comble du cynisme et de la fourberie. Il cherche à obtenir un mandat pour la Société des Nations sur tout l’Orient. Cet organisme transnational encore à créer, était son idée centrale pour régir un nouvel ordre mondial. Finalement à cause de la non ratification du Congrès et paradoxalement les USA n’y participeront pas, ni l’URSS d’ailleurs.

Néanmoins on arrive à mettre sur pied une commission de consultation des peuples concernés. On imagine le résultat ; chaque confession, chaque tribu, chaque intellectuel chante ses rêves. Seuls les peuples Chrétiens souhaitent, espèrent et prient pour une protection Française. Les Britanniques prétendent être pro-musulmans dans une froide rigueur toute flegmatique dont a dû mal imaginer à notre époque. En effet dans certains cercles chrétiens évolués, ayant fait des études en Occident, on croit pouvoir édifier un Etat laïque dans un arabisme des Lumières. À partir de juin 1919, une commission d'enquête américaine, la commission King-Crane mène une enquête en Syrie avec pour mission d'éclairer les congressistes de Versailles sur l'état de l'opinion publique dans le Levant. Sa zone d'étude va de la ville d'Alep à Beer-Cheva[31] dans le Néguev. Elle visite 36 villes importantes. Elle rencontre plus de 2000 délégations venues de plus de 300 villages et reçoit plus de 3000 pétitions. Ses conclusions confirment l’opposition des Musulmans à un mandat dans leur pays. Il en est de même pour leur opposition à la déclaration Balfour. Leur souhait serait de voir s’établir une Grande Syrie englobant donc la Palestine. Les conclusions de la commission sont cependant rejetées par les Français et tout simplement ignorées par les Anglais.
Les Français et les Britanniques sur le terrain sentent la situation leur échapper quittent la commission en laissant seuls les américains et les neutres. Ils se mettent d'accord sur les frontières à la conférence de San-Remo en avril 1920. Pour honorer la SDN on y baptisa le système du Protectorat « Mandat des Nations Unis ». Il est frappant de constater que la situation cent ans après patauge dans les mêmes définitions sous les motions et le contrôle purement formel de l’ONU.

Maintenant arrêtons-nous à la véritable intervention sur le terrain de la France. Son instrument de contrainte effective c’est au travers de son Armée. Elle vient de vaincre dans la plus terrible guerre ayant existée en supportant le poids principal dans son sang et sur son territoire encore fumant de destructions.

Les Britanniques selon l’accord Sykes-Picot, ceux-ci garderaient les villes d’Antep, Maraş et Urfa jusqu’à l’arrivée des Français qui devaient s’installer dans les régions d’Anatolie du Sud. Elles leur étaient allouées dans l’accord.

En remplacement de l’armée britannique les premiers éléments de l’Armée Française débarquent le 8 octobre 1918 à Beyrouth. Une partie de la population exprime une joie extraordinaire car c’est l’assurance d’échapper au Grand Royaume Arabe. Une autre partie reste dubitative. Il y a sûrement des éléments qui y sont hostile mais c’est une minorité.

A Mersin, par ailleurs le premier débarquement eut lieu le 17 novembre 1918 avec une force d’environ 15 000 hommes. Ce sont principalement des volontaires de la Légion arménienne, accompagnés de 150 officiers français. Les premiers objectifs de ce contingent étaient d’occuper les ports. Il doit reprendre l’administration ottomane. Le 19 novembre, la ville de Saint Paul, Tarse était occupée. Pour sécuriser les environs et préparer l’établissement d’un quartier général, il s’établit dans la ville Adana.

Voyons un départ depuis l’Afrique du Nord pour le Levant l'ordre arrive à la fin du mois d'octobre 1918. C’est le 17ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais. Cette appellation d’origine date du 1er avril 1919 en algérie. Il a pour colonel Debieuvre. Avec
trois bataillons formant corps tenait garnison : l'un à Orléansville avec le capitaine Picquet, un autre à Tenes avec le commandant Corneloup et le dernier à N'tsila avec le commandant Goetz. Chaque bataillon comprenait quatre compagnies de fusillers voltigeurs et une compagnie de mitrailleurs, soit un peu plus de 1100 hommes. Le colonel Debieuvre s'établit à Orléansville avec son état-major et sa compagnie hors-rang. L'instruction est poursuivie d'une façon intensive. D'ores et déjà le bruit se répand que le régiment quittera bientôt l'Afrique du Nord. Le régiment, à l'effectif de 4 600 hommes est embarqué en chemin de fer pour Bizerte. Il reste environ trois semaines. Il est enlevé le 11 novembre, jour de l’Armistice. La traversée se fait par les vapeurs "Fukui Maru", "Austria" et "Itu". Le régiment cingle vers le Levant.

Les 17, 18, et 20 de novembre 1918, le 17 RTS débarque à Mersine en Cilicie. Il campe dans la ville. Il est rapidement réparti dans tout le territoire, à Adana, Marache et jusqu'à Ourfa et Tell Abiad.

Les guerres, la famine et les épidémies ont amené la Turquie dans une situation bien précaire. Dans les cartons d'archives du Service Historique de la Défense ou dans le fonds du Colonel Edouard Brémond, on trouve des documents. Ils illustrent ce qu'était la Turquie dans ces heures sombres.

Au début du siècle, l'Empire Ottoman était très endetté, particulièrement avec la France. Il ne pouvait faire face à ses dettes. Cela donnait une bonne raison à ses créanciers pour faire la loi dans l'Empire. Il avait pourtant de gros besoins pour développer ses infrastructures!
Mais la guerre était toujours prioritaire. Toutes les ressources de l'Empire y étaient englouties.

En 1918, en Palestine ou en Syrie, l'armée turque en déroute abandonne ses soldats démobilisés. Beaucoup tentent de rentrer chez eux comme ils le peuvent. Beaucoup, forts de leurs armes qu'ils ont conservées, rejoignent les bandes de Tchétés[32]. Ce sont des paysans turcs. Ils font volontiers partie d'une bande dont il connaît le chef, presque toujours paysan comme lui, à moins que celui-ci ne soit gendarme déserteur. Le paysan devient alors "Tchété". Il est agressif. Très résistant, connaissant parfaitement le théâtre des opérations. Il n'a pas besoin de grands moyens. Un cheval qu'il remplace au village suivant quand sa monture est fatiguée. Un fusil, des cartouches dans son ceinturon qu'il roule autour de son corps. Il est équipé. Point n'est besoin de voitures, de mulets de bât, de vivres du jour ou de réserve. Le "Tchété" est très mobile et c'est ce qui fait sa principale force. Il réquisitionne tout ce dont il a besoin. Souvent même bien plus qu'il n'a besoin. Il a perdu son honnêteté. Il pille les vivres, l'argent, les bijoux. Il brûle les fermes et en tue les habitants si on lui résiste. Mais le paysan turc ne résiste pas aux Tchétés. Il l'aide car un jour, il le sera lui aussi. C'est alors le paysan chrétien qui est la victime. La haine religieuse ne s'éteint jamais dans ce pays. Ils ne peuvent survivre que grâce au pillage. Nous verrons que la cavalerie de l’Armée Française saura cependant relever le défi.

A la première Guerre Mondiale les cavaliers mettent pied à terre. Ils rejoignent les fantassins. Etait-ce la fin de la Cavalerie? Les militaires se posaient la question...
Pendant la Campagne de Cilicie, la Cavalerie va retrouver un rôle important. Au début, elle poursuivra les bandes de Tchétés jusque dans leurs repaires. Puis elle protégera les colonnes de soldats lors de leurs déplacements. De quoi argumenter en faveur de la conservation de cette arme! En Cilicie, la Cavalerie est constituée par les Chasseurs d'Afrique et les Spahis venus d'Afrique du Nord. Les "indigènes" des colonies y côtoient les Français de métropole, avec qui ils partagent l'amour et la maîtrise du cheval.

Le 2° Régiment de Cavalerie du Levant participe à de nombreuses opérations; il est, dès son arrivée réparti par Escadrons et même par pelotons. Le 3° Peloton du 2° Escadron en garnison à Biridjik soutient en Février-Mars 1920, vingt-trois jours de siège. Il livre chaque jour contre un ennemi supérieur en nombre un combat opiniâtre permettant à la garnison de conserver toutes ses positions et de repousser un adversaire acharné.

Un peloton placé dans la même situation à Marach fait preuve d'une énergie semblable.
Le 17 juin 1920, le 2° Escadron et la section de mitrailleuses se distinguent au combat de Balidja. Deux escadrons du 2° Régiment de Cavalerie du Levant font partie de la colonne Gracy sortie d'Adana assiégée pour débloquer Tarse rétablir les communications avec Mersine. Il revient avec un ravitaillement à Adana. Au combat de Yenidje le 22 juillet 1920, la Cavalerie de la colonne placée aux deux ailes fait preuve des plus belles qualités de mordant, de courage, de mépris absolu du danger. Ces qualités manœuvrières contribuent pour une large part au succès de cette journée de combat.

Ces considérations générales sur l'emploi de la cavalerie au Levant viennent de l’expérience. Il y a des enseignements, à en tirer. Le théâtre d'Opérations au Levant, par la faiblesse relative des effectifs engagés, a libéré la Cavalerie de la servitude des fronts continus. Il lui a rendu l'espace. C'est à dire son véritable champ d'action. Rompue aux combinaisons du feu et du mouvement de l'Infanterie, elle a pu y ajouter les facteurs manœuvre rapide à cheval. Elle attaque par le sabre. Cette arme qui lui est propre. Elle recouvre toute l'étendue de son clavier que la guerre de tranchées avait tronqué.

Le Commandement a ainsi récupéré toute la variété des ressources de cette arme si riche en possibilités. Il a pu en jouer contre un adversaire qui relevait surtout de la manœuvre et de la rapidité de son exécution. Aussi la guerre au Levant est-elle fertile en enseignements pour la Cavalerie. L'ennemi, qu'il soit régulier Turc, bandit Syrien, Alaouite ou Druze, a certaines particularités qui lui sont communes. Il est excellent tireur même aux grandes distances.
Il a un sens remarquable du terrain pour l'occuper et en faire partir un feu meurtrier.
Le régulier Turc a des cadres dont une partie est instruite des procédés de guerre Européens. Il a donc un certain sens de l'organisation, de l'économie et de la discipline au combat. Cependant il est peu rompu à l'échelonnement qui assure les soutiens, les réserves et ménage les possibilités de manœuvre. Il inflige rapidement et déjà de loin des pertes terribles à l'assaillant, malgré qu'il soit peu pourvu de canons et d'armes automatiques. Il se fait tuer sur place, mais ne résiste pas au débordement. Contre lui la Cavalerie a beau jeu. L'Infanterie attaque de front et avec prudence pour éviter les pertes. La Cavalerie recherche les ailes en tâtant rapidement les limites du front ennemi par ses patrouilles. Elles sont lancées au besoin en fourrageurs et au galop car il s'agit de faire vite. Aussitôt qu'elle a trouvé l'extrémité de la ligne, par un mouvement large pour sortir de la zone meurtrière. Il ne faut pas se révéler. La rapidité doit ménager la surprise. Elle déborde et au besoin se rabat. L'évènement a surgi. L'infanterie bourre. L'affaire a toutes les chances d'être réglée. Le Syrien, l'Alaouite, le Druze, opèrent par bandes sans organisation réelle.

L'Alaouite et surtout le Druze aborde les troupes ennemis général en garnissant les crêtes. Il se révèle par le feu et des attaques successives sur différents points de la colonne. Il espère ainsi mener tous ses éléments ennemis à s'engager, à la désagréger. Ainsi se tente l'encerclement, l'isolement du convoi ou de l'arrière-garde. La menace sur les communications doit profiter du désordre engendré pour se précipiter à la curée. Nous voyons l’importance du renseignement avant toute action.

Quand ces manifestations de l'ennemi n'ont pas été déjouées par un renseignement arrivé à temps, par un service de sûreté heureux, par un jeu habile de flanc-garde, il ne faut pas perdre son temps pour dénouer la crise, car les pertes sont rapidement lourdes. La parade doit être prompte, la riposte instantanée, la manœuvre exécutée sans délai. Elle fait tomber la barrière de mort. Toutes les fois que le terrain le permet, le commandement a intérêt à allonger son poing avec la Cavalerie. Dans la défensive, quand ils sont attaqués sur une position où ils tiennent, les bandits, comme les Turcs, ne résistent pas au débordement.

Mais dans le cas des bandits, il y avait quelque chose de plus. Sauf exception rare, dès qu'ils éventent le débordement, ce qui veut dire capture ou destruction, à la différence du Turc, ils s'éclipsent. Cette défense de l'adversaire doit être prévue par le Commandement. C'est de très bonne heure et dans le secret qu'il doit fermer la nasse où il veut prendre le poisson. Il faut manœuvrer vite, par des cheminements dérobés et éloignés. C'est affaire de Cavalerie. Ce qui est vrai dans le domaine tactique du combat, vaut aussi dans une opération de petite stratégie pour ne pas employer un mot trop prétentieux.

Une autre particularité de l'adversaire au Levant, qu'il soit Turc avec sa faible dotation en canons et en mitrailleuses. Syrien, Alaouite ou Druze il n’a souvent que son seul fusil. Il résiste mal à la charge à cheval, lancée par surprise ou appuyée par le feu. Arme de l'espace, arme de l'intervention rapide, la Cavalerie avait un rôle important à jouer au Levant. La Cavalerie au Levant était par son recrutement et sa renommée tout à fait appropriée au Théâtre d'opérations où elle fut employée. Elle s'est couverte de gloire et d'autant plus qu'elle a eu, des chefs dignes du nom de cavaliers.

La France s'intéresse beaucoup à tout ce qui se passe en Turquie. La Grande Guerre a rendu très difficile la circulation des informations. Après l'Armistice de Moudros, les rapports arrivent, décrivant ce qui se passe à Constantinople ou dans les provinces. On sent que la Russie, en pleine Révolution, n'est pas loin. Qui pourra mettre de l'ordre dans ce grand pays?

L’Empire Ottoman passe par une situation similaire ; l’anarchie militaire avec un mouvement révolutionnaire le Kémalisme. Comme les autres puissances alliées, les Français ne se sentent pas assez forts pour prendre le contrôle de ce territoire trop vaste où des populations de toutes origines se haïssent et s'affrontent. Le Sultan d'Istanbul a perdu toute autorité. Faut-il laisser ces peuples se déchirer? Il faudrait un chef accepté par tous, à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Celui qui prend la tête de la révolte contre les étrangers serait-il capable de ramener son pays dans la voie de la paix et du développement? Un Mission est envoyée à Angora[33] a pour but de mieux connaître Mustapha Kemal et son entourage proche.

Après l’occupation de la Cilicie même en cette fin 1918, les troupes françaises prennent les provinces ottomanes d’Antep, Maraş et Urfa en Anatolie du Sud fin 1919.

Les positions militaires de Cilicie sont cédées par les troupes britanniques comme convenu. À l’extrême-est de la zone d’occupation dans le sud, la ville de Mardin fut également occupée pendant une journée ; le 21 novembre 1919.

Le gouverneur de Cilicie nommé par la France dans la zone française d’occupation au sud fut, du 1er janvier 1919 au 4 septembre 1920, le colonel Édouard Brémond. Nous avons déjà rencontré cet éminent officier français dans le Hedjaz. Après un bref retour en France le voici à nouveau au Levant mais à l’extrémité nord.

La France accepte la délicate mission que lui confie la SDN pour construire la paix en Cilicie. Le Général Gouraud forme son équipe. Il était lui aussi au Maroc, au début du siècle, auprès du Résident Général de France, le Maréchal Lyautey. Il connaît le Colonel Bremond, son camarade d'Ecole, et le choisit naturellement pour administrer la Cilicie.

Le Colonel Edouard Brémond se met au travail. Dès 1919, il a en charge l'accueil des familles arméniennes rescapées des déportations, que les Alliés renvoient en masse vers la Cilicie. Il consacre tout son dynamisme au redémarrage de l'économie : il organise des foires, s'occupe des écoles, orphelinats chrétiens ou musulmans. Dans les papiers[34] du Colonel Edouard Brémond une note datée de janvier 1920 Elle décrit l'organisation mise en place et les coûts engagés pour le retour des Arméniens, ainsi que des immigrés ou réfugiés kurdes, bosniaques et rouméliotes[35]. A Adana furent installés des ateliers avec le capitaine Rolland et des ouvroirs avec Madame Brémond. Un atelier pour la fabrication de tapis s’établit à Tarsus. L'assistance à la grande majorité des réfugiés a consisté à les loger et à leur donner une ration journalière de 450 gr. de pain ou son équivalent en farine ou blé. Le nombre des rationnaires en 1919 fut de 40.751. Il conclut des accords avec les chambres de commerce de Lyon ou Marseille, monte des ateliers de broderie ou de tissage, cherche des capitaux auprès des banques...

Cependant, après l'armistice de Moudros, le traité de paix n'est pas encore signé. Le sort de la Cilicie est en suspens: restera-t-elle turque ou sera-t-elle arménienne? Le colonel Edouard Brémond est attentif à tout ce qui se dit et ce qui se passe dans le pays. Il est particulièrement sensible sort des Arméniens. Ils ont tant besoin de son aide et de sa protection. Il voit le mouvement kémaliste se constituer et progresser, dans la continuité du mouvement Jeune Turc. Il l’a observé pendant sa mission au Hedjaz. Dans ses télégrammes quotidiens[36]. Il en informe le Général Gouraud. Assez rapidement, le Général Gouraud constate que le Colonel Bremond veut imposer sa vision "du terrain" pour définir la politique de la France. Il déborde de son rôle. Il est perçu comme incapable de faire "balance égale" entre toutes les communautés, et de s'adapter aux fluctuations de la politique qui se décide à Paris. Dans le message que le Colonel Edouard Brémond envoie au Haut-Commissaire, le 31 janvier 1920, se plaint du préfet[37] nommé par le Sultan d'Istanbul d'Adana. C’était avant l'affaire de Marach[38]. Nous verrons cette affaire significative sur la cohabitation entre les Arméniens et les Turcs, un peu plus loin.

« Adana, le 31 Janvier 1920 Mon Général et Cher Ami,

[...] Et cette opinion publique, il faut la soigner, car c'est son appui, sa certitude que je veille pour le Bien Public, qui lui inspire le calme actuel qui arrête, à la lettre, les combats à nos limites administratives. Le jour où elle n'aura plus confiance dans mon activité ou dans mon pouvoir, ça cassera aussi ici.

Ça risque déjà de le faire sous l'action nationaliste, que je demandais d'enrayer en août quand c'était possible et facile, action représentée en Cilicie par le nouveau Vali Allemand de langue, de cœur et de procédés. Son influence néfaste nous vaudra de lourds embarras. On ne peut pas plus vivre ici en bonne intelligence avec ce personnel bolcho-kémaliste, qu'on n'aurait pu, au Maroc, se confier aux Consuls Allemands, et gouverner par Contrôle sur Moulai-Hafid et sa séquelle : ce sont des ennemis, et des ennemis violents, se le dissimuler, c'est courir au fossé ».

Le Colonel Brémond explicite mieux sa pensée dans une lettre à M.de Peretti della Rocca, ministre plénipotentiaire[39]:
« Adana, le 9 février 1920, Monsieur le Ministre,

Votre lettre du 1er janvier me parvient aujourd'hui 9 février. Je suis infiniment sensible à votre bonne attention de nous envoyer vos vœux pour la nouvelle année. Vous êtes assuré, je pense, ainsi que Madame de Peretti, que la smala Brémond vous conserve un souvenir aussi affectueux que permanent. Je regrette encore plus que vous n'ayez pas le temps de suivre notre œuvre au Levant. Elle est infiniment plus intéressante et de portée infiniment plus considérable que l'œuvre locale que nous poursuivons au Maroc.
La Cilicie est en effet le point de contact entre la Mer Méditerranée et la voie ferrée Londres et Paris à Calcutta et Shanghaï; elle a au point de vue des communications terrestres ou aériennes une importance de même ordre que le Canal de Suez pour les communications maritimes. [...]

La Cilicie a produit 180.000 balles de coton en 1913; en 1919 elle n'a donné que 30.000 balles. Nous espérons cette année arriver de 60 à 100.000 balles. Mais il nous manque le charbon et les machines à labourer, la main-d'œuvre, les semences sélectionnées. 1920 ne sera encore qu'une année d'attente mais en 1921 nous pouvons espérer rattraper et dépasser 1913.

Les mémoires Allemands que nous avons retrouvés sur place évaluaient à un million de balles la récolte possible de la Cilicie oganisée.

Nous avons mis la main sur la presse à coton allemande d'Adana. Mais la culture du coton ne prendra tout son développement qu'avec des sociétés financières puissantes capables d'organiser l'irrigation la récolte et le transport; des capitaux importants sont absolument nécessaires; jusqu'ici il n'y en a pas en Cilicie et le loyer de l'argent atteint souvent 30%; la banque agricole que j'ai améliorée mais que je n'ai pu réorganiser comme je l'aurai voulu faute de Personnel, prête à 9% et ce taux est trouvé très modéré; c'est vous dire le besoin que nous avons de capitaux français.
Il est possible ici de constituer un domaine de 30 à 40 mille hectares en majeure partie irrigables sans grandes difficultés; [...]

Quant au sort futur de la Cilicie, il est écrit. Par la force des circonstances 120.000 Arméniens y ont été amenés. Ils y forment plus du quart de la population, le quart de beaucoup le plus actif et le plus homogène; dans 15 ans ils auront facilement doublé, et formeront la majorité.

D'autre part si l'occupation française et l'Administration française cessaient ici, le massacre recommencerait une heure après notre départ.

Enfin la Cilicie est pour nous un espoir de consolation de l'Egypte tant par sa valeur propre que par sa situation sur une grande [ligne] de communication mondiale.
Il n'est pas douteux que les Turcs ont fait ici en face de nous figure d'ennemis irréductibles; ils continuent à s'inspirer des traditions allemandes et font à l'exécution des conditions de l'armistice des oppositions sournoises calquées sur celles qu'on nous oppose à Berlin.

On parle de l'amitié du Turc pour la France : la vérité est que le Turc est boche, qu'il reste boche avec enthousiasme, qu'il ne compte que sur le relèvement de l'Allemagne pour se relever et que nous le retrouverons contre nous à côté de l'Allemagne dans la prochaine guerre.

Tous travaillent contre nous de manière sournoise quand ils nous sentent forts ou résolus, de manière impudente ou même insolente quand ils croient nous avoir aveuglés par leurs protestations de fausse amitié.

Malgré tous mes efforts, malgré ma volonté arrêtée de travailler avec eux, je n'ai jamais pu trouver un seul Turc qui ait agi avec nous autrement qu'en ennemi.
Ce sont là des vérités qui sont mal connues à Paris, à Constantinople ou même à Beyrouth; des directives de conciliation avec la Turquie continuent à être ordonnées, et nous faisons ici des efforts continuels et d'ailleurs malheureux pour les suivre.
Constantinople a trouvé à nous envoyer comme vali à Adana un homme qui parle allemand, qui a été élevé en Allemagne et qui a pour nous les mêmes sentiments qu'un Allemand.
C'est vous dire que la vie n'est pas tous les jours faciles ici; et que ce n'est pas sans une certaine fierté que nous voyons la Cilicie rester tranquille au milieu de l'insurrection générale soulevée d'Ourfa à Marache et à Alep, en attendant qu'elle nous vienne de Konia. [...]

En résumé à l'heure actuelle nous ne pouvons compter ici que sur les chrétiens; encore les Arméniens ont-ils des buts nationaux qui les mettent fréquemment en opposition avec nous.

Quant aux Musulmans, si nous faisons de la politique turque, les Turcs les coaliseront entièrement contre nous. Si au contraire nous faisons de la politique musulmane, ne donnant aux Turcs que la situation qui leur revient d'après leur nombre et leur importance commerciale, industrielle ou financière, nous pouvons rallier la majeure partie d'entre eux.

Il y a en effet en Cilicie des Tcherkess, des Kurdes, des Arabes, mais très peu de Turcs; si on faisait partir les fonctionnaires, il faudrait chercher pour trouver une population turque. Au point de vue du principe des nationalités les Turcs n'ont donc rien à faire en Cilicie, où ils sont des étrangers oppresseurs sans rapports avec la population : la seule chose en leur faveur est l'emploi de leur langue, qui tenait à la défense faite aux autochtones d'employer leur langue propre, défense qui était appuyée de procédés violents. [...][40] ».

C'est vrai que la tâche n'est pas facile, même si le Général Dufieux, le soutient.
Ainsi, le Colonel Edouard Brémond, tout au service de la grandeur de la France, met toute son énergie dans l'accomplissement de sa mission civilisatrice. Homme d'action, il essaie de convaincre ses amis pour obtenir ce qu'il pense être bon, plus que de respecter la discipline de l'organisation. Il tutoie le Général Gouraud, son ancien camarade d'école. Il écrit au ministre sans se soucier de sa hiérarchie. Mais surtout, son discours, dans la continuité de la politique coloniale de la France, n'est plus d'actualité. Il écrit :

"Mais il nous manque le charbon et les machines à labourer, la main-d'œuvre, les semences sélectionnées."

Se rend-il compte que le ministre reçoit des demandes analogues de toutes les régions qui sont sous le protectorat ou l'administration française? Des investissements, des machines, il en faut dans tout l'Empire, surtout en métropole, là où la Grande Guerre a détruit toute une région. De la main-d'œuvre qualifiée, des banquiers, des instituteurs, des médecins, des juristes, il en faut en Afrique du Nord, en Afrique Occidentale, en Indochine, au Levant... Et si on n'a pas la possibilité d'envoyer tous ces spécialistes dont la formation est si coûteuse, il faut envoyer des troupes pour s'imposer par la force. Or il est de plus en plus difficile de recruter des soldats dans les colonies, pour les envoyer loin de chez eux contrôler d'autres colonies. Or la métropole a aussi bien besoin de main-d'œuvre qualifiée et de semences sélectionnées!

Peu à peu, à force de se heurter à des manques de moyens, le Colonel Brémond perd confiance en sa hiérarchie. En la France, il écrit. Un article très pessimiste sur la situation de la France en Cilicie paraît le 6 octobre 1920 dans le "Petit Marseillais". Peu à peu, malgré l'énergie qu'il met à accomplir l'œuvre civilisatrice de la France, le Colonel Edouard Brémond est lâché par ses amis les plus influents. Après des polémiques et des soupçons injustifiés sur la qualité de sa gestion, le 4 septembre 1920, le Colonel Edouard Brémond est démis de ses fonctions.

Il reste jusqu'à la fin de sa vie un ami des Arméniens, particulièrement ceux qui sont venus vivre en France. Nous les comprenons aisément quand nous prenons connaissance de la nouvelle politique du nouveau général de décembre 1920 au 23 décembre 1921.

Lorsqu'il arrive en Cilicie, le Général Dufieux a seulement 46 ans. Julien, Claude, Marie, Sosthène Dufieux est né le 21 mai 1873 à Mascara, dans le département d'Oran en Algérie.

Son père est officier des affaires indigènes. Il est sorti avec un bon classement de l'école spéciale militaire. En 1873, lorsque naît son fils Julien, il a 32 ans. Il est capitaine, après avoir servi contre l'Allemagne de 1870 à 1871. Il sera Chevalier de la Légion d'Honneur en février 1880, et Officier de la Légion d'Honneur en juillet 1896. Sa mère, Geneviève, 20 ans en 1873, est femme au foyer. Le couple n'aura pas d'autre enfant. Le jeune Julien Dufieux est un enfant intelligent. En 1890, il obtient à Aurillac son baccalauréat ès lettres et ès sciences. Il est admis à l'Ecole spéciale militaire de Saint Cyr dont il sort en 1893. Cinq ans plus tard, il est admis à l'Ecole de Guerre. Son brillant classement de sortie lui permet de choisir des postes d'Etat-Major à la Division d'Oran, puis d'Alger, puis du Maroc. Le 15 septembre 1911, le chef de l'Etat-Major de l'Armée le propose pour une citation.

Après la Grande Guerre, le Général Dufieux prend la tête de la 156ème Division d'Infanterie, unité de l'armée d'Orient qui se trouve en Bessarabie puis en Bulgarie et qu'il réorganise. Le 29 octobre 1919, le Général Franchet d'Esperrey, commandant les troupes d'occupation à Constantinople, le désigne pour le Levant.

Le Général Dufieux témoigne :
« Les instructions écrites et verbales qui devaient me guider, lorsque j'arrivai à Adana, le 2 décembre 1919, pouvaient se résumer ainsi. Premièrement desserrer dès que possible le Contrôle Administratif en Cilicie, jugé trop rigoureux, trop voisin de l'administration directe.
Deuxièmement établir progressivement un Contrôle Administratif sur les Territoires de l'Est, mais plus allégé, chercher la collaboration étroite avec les éléments musulmans, particulièrement avec les Turcs, en faisant valoir la concordance des intérêts Français et des intérêts Ottomans.
Troisièmement, relâcher, au contraire les liens qui unissaient les autorités Françaises aux organisations Arméniennes, dont le développement et les prétentions étaient jugés dangereuses.
Quatrièmement, tenir, en un mot, la balance égale entre les diverses races et religions. »
SHD 4 H 226Adana, le 9 mars 1920Le Général Dufieux, Cdt la 156ème Division
à M. le Général Haut-Commissaire de la République Française en Syrie-Cilicie, Commandant en chef de l'Armée du Levant ; Henri Gouraud
Comme né en Algérie, fils de militaire et formé au Maroc, le Général Dufieux devrait bien connaître le monde musulman. Modeste, il s'impose par son travail, ses qualités d'organisateur, son respect des hommes de toutes conditions, toutes cultures et religions. C'est un manager efficace. Malheureusement n'est perçu ni comme un audacieux conquérant créateur d’un Royaume Arménien, ni comme un fin stratège devant la révolution Kémaliste. Son choix pour encadrer les forces françaises de Cilicie exprime les nouveaux objectifs du gouvernement français, dans le cadre de la mission confiée par la SDN en oubliant au passage les accords secrets franco-arménien.
Commandant des troupes françaises d’occupation détint également en Cilicie les pouvoirs d’un gouverneur de 1919 à 1921. L’attitude du général Julien Dufieux a évolué : ami des Arméniens dans un premier temps. Il en est devenu par la suite la bête noire. Au vu de la nouvelle politique que les autorités politiques lui demandent d’appliquer. C’est un ennemi des Arméniens. Le général Dufieux prévoyait de charger la Légion Arménienne de la protection des liaisons routières et surtout ferroviaires. Il voulait ainsi probablement éviter de la sorte une trop forte concentration de forces militaires des Arméniens.

La Légion Arménienne se détacha du pouvoir central. Elle se forgea à force d’excès une telle réputation terrible. Il fallut finalement la dissoudre

Dans les régions occupées de la Cilicie, les français firent face à la résistance de la majorité turque dès la première heure, principalement parce qu’ils s’étaient associés au début avec le colonel Edouard Brémond, aux objectifs arméniens d’un foyer national.

Le 1er novembre 1919, deux jours après la prise par les Français de Maraş[41], il y eut l’incident de Sütçü Imam. C’est le nom du défenseur de trois femmes turques harcelées et agressées dans la rue par des auxiliaires de la Légion arménienne. Ce fut l’élément déclencheur des tensions dans la ville. Sütçü Imam tira sur un des agresseurs. Ensuite il fut contraint de se cacher. L’incident déclencha une série d’événements qui amenèrent la majorité turque de Maraş à se dresser contre les forces d’occupation. Le point culminant se traduisit par une guérilla urbaine à grande échelle.

Cette ville Marash est ancienne. Elle est construite au pied de la montagne, l'Ahir Dag, qui culmine autour de 2500 mètres. En 1918, il y avait environ 60 000 habitants .On atteignait la ville par des pistes praticables par des caravanes de chameaux. Les premières voitures et camions avaient des difficultés à passer. Cette année a été pour elle. Les Français, soucieux de protéger les Arméniens, ont occupé la ville. Attaqués et assiégés par des rebelles dirigés par un chef remarquable, le général Mustapha Kemal. A Marash l'héroïque pour les Turcs, les habitants de la ville célèbrent le libérateur national. Un monument à Ataturk[42] sur la route d'Islahiye au bas de l’hôtel Belli. Il est vrai que les Français et les Arméniens se sont durement battus pendant trois semaines. Il y eut beaucoup de victimes parmi les Turcs. L’Armée Française résista pendant trois semaines, sans pouvoir à empêcher tous les massacres des Arméniens. Avant d'évacuer les lieux, les combats finirent de détruire la ville. Toutefois aujourd'hui, la ville compte plus de 500 000 habitants. Au pied de la Citadelle (Kale), la vieille mosquée (Ulu Camii) est entourée d'une place arborée où les habitants de la ville prennent un peu de repos. Plus loin, au bout de la rangée d'arbres, la mosquée Arasa (Arasa Camii) est à la limite sud de la vieille ville. Tout près de là, dans le khan Arasa, le commandant Corneloup logea ses troupes, en 1918. Il n'y a plus d'église à Marash... Le pont de Kanlidere subsiste, ainsi que les maisons turques qui le contrôlent. Il a eu une grande importance stratégique lors du siège de Marash. En dehors de la ville vers le Nord, le pont sur le Ceyhan est ancien. Sur la route d'Islahiye, le pont sur l'Aksu est plus récent. En 1918, il n'existait qu'un pont en bois construit par les Anglais à côté du gué où les camions pouvaient traverser. En aval, l'Aksu traverse des zones très marécageuses maintenant drainées. Il s'enfonce dans le sol tendre. C'est seulement au pied de la colline que le sol est dur. Le cours d'eau ne peut le creuser. Là on peut traverser à gué. Là on peut trouver un terrain assez solide pour construire un pont. Mais dans la guerre de 1918, la colline avec ses arbres était un promontoire idéal pour tirer sur ceux qui voulaient passer. A Islahiye, la gare n'a guère changé depuis 1918.

Deux mois après l’incident de Sütçü Imam, il y eut vingt-deux jours de combat urbain. Le 11 février 1920, les troupes d’occupation françaises furent forcées d’évacuer Maraş. Bien évidemment elles furent suivies de la communauté arménienne de la ville. Ainsi Maras céda sous les assauts répétés des révolutionnaires turcs. Les rebelles de Maraş continuèrent l’effort de guerre en prenant part à la reconquête d’autres points de la région. Ils poussèrent les forces françaises à se retirer graduellement, ville par ville. Ce genre de développement militaire se renouvela à de multiple endroits et d’une manière sûrement plus féroce. La résistance des forces nationalistes turques fut une énorme surprise pour la France. La faute en sera aussi rejetée en partie sur les forces britanniques. Elles n’avaient pas contrôlé vraiment le secteur n’ayant à établir « un foyer national arménien ». L'option stratégique d'ouvrir un front au sud en opposant les Arméniens aux forces turques demandaient une vraie volonté politique d’établir un Etat Arménien avec peut-être un supplément de moyens, surtout humains, que ceux disponibles

De plus il suffit d’imaginer l’attitude des Arméniens[43] nouvellement armés, ayant échappés aux atrocités turques ou kurdes dans un village turc. Si nous écoutons des témoignages turcs de Gaziantep, sur un CD offert par l’office de tourisme, il nous semble entendre un arménien parler. Même l’aspect physique des personnages pourrait nous y tromper. Voilà pourquoi il y a beaucoup de difficultés à communiquer sur ce sujet, où l’Armée Française aurait une responsabilité morale. Enfin les trop rares troupes de coloniales sur place n’étaient pas équipées pour les hivers en haute montagne. Le paysage méditerranéen est montagneux dès les premiers kilomètres à l’intérieur des terres. Avons-nous toujours un bataillon de chasseurs alpins caserné à Nice ? Pour finir, nous ne comptons pas non plus les difficultés de ravitaillement en milieu hostile.

Cette campagne de Cilicie est en fait une série de conflits entre l’Armée Française avec son allié la Légion arménienne[44] ou, et les forces turques de la Grande assemblée nationale de Turquie, au lendemain de la Première Guerre mondiale, de mai 1920 à octobre 1921. Avec une guérilla exercée sur les Français, la Cilicie serait facilement laissée aux nationalistes turcs. Les monts Taurus étaient importants pour Mustafa Kemal. En outre, les soldats français étaient étrangers à la région avec deux régiments de tirailleurs sénégalais et un algérien[45] Ils se renseignaient auprès des Arméniens. Les Turcs avaient jusqu’alors coopéré contre eux, avec les tribus arabes et Kurdes de la région. Concernant la France, Mustafa Kemal avait émis l’idée qu’il y avait une facilité d’agir dans ce secteur avant de se retourner contre la menace grecque. La France avait déjà tant à faire pour se maintenir en Syrien à résoudre le problème avec les Druzes soulevés en sous-main par les services britanniques.

Traité de paix de Cilicie

Il y eut un premier traité de Paix de Cilicie le 9 mars 1921 fut signé entre la France et le Mouvement National Turc pour mettre un terme à la Campagne de Cilicie. Ce traité n'eut pas l'effet attendu. Toujours cette confrontation entre les concepts et le réel. Il fut remplacé par un second ; le Traité d'Ankara en turc : Ankara Anlaşması. Les signataires étaient le diplomate français Henry Franklin-Bouillon et le ministre des Affaires étrangères turc, Yusuf Kemal Bey. Selon les termes de l'accord, les français reconnaissaient la fin de la guerre franco-turque en échange de concessions économiques de la part de la Turquie. En retour, le gouvernement Turc reconnaissait la souveraineté française sur la Syrie mandataire. Le traité fut enregistré dans le recueil des traités de la Société des Nations le 30 août 1926.

Il demeura toutes fois le problème de la province d’Alexandrette ou Hatay qui devint une terre irrédentiste de la République Turque. L’État d’Alexandrette[46] est un territoire éphémère créé à partir du sandjak détaché de la Syrie en novembre 1937. Cette nouvelle république fut créée par une résolution de la Société des Nations afin de régler des différends entre les diverses communautés vivant dans cet ancien sandjak. Le 2 septembre 1938, l'Assemblée de la République de Hatay déclara son indépendance. Elle élut Tayfur Sökmen comme président de la République. La langue officielle de cette République était le turc, mais le français et l'arabe étaient les langues secondaires. La Turquie et la France étaient chargées de préserver la souveraineté de cet État. Le territoire fut officiellement rattaché à la Turquie le 23 juillet 1939. La région est depuis lors une pomme de discorde entre la Turquie et la Syrie, même si elle est devenue aujourd'hui un centre cosmopolite où se côtoient des personnes de nombreuses cultures et de confessions différentes. Elle a pris une importance capitale par rapport à Alep et à Idlib ville syrienne rebelle à l’autorité de Bachar el Assad. []

Ainsi le conflit se termina officiellement. La signature se fit entre les représentants du Gouvernement français et la Grande assemblée nationale de Turquie le 20 octobre 1921. Il se finalisa par l’armistice de Mudanya.[47]

Les forces françaises se retirèrent de la zone d’occupation au tout début de 1922. C’était environ dix mois avant l’armistice de Mudanya. À partir du 3 janvier, les troupes françaises évacuèrent Mersin et Dörtyol ; le 5 janvier, Adana, Ceyhan et Tarse. L’évacuation fut terminée le 7 janvier, les dernières troupes quittant Osmaniye.

Cette campagne doit être mise en relation avec la guerre Gréco-turque sur les Dardanelles à l’ouest de l’Asie Mineure. Nous avons écrit un mot en parlant de Smyrne devenue Izmir. Voyons-nous, alors, toute l’étendue du cadre d’action de l’Armée Française ? Eh ! Bien Non !

Prenons quelques exemples. Au commencement, en 1919, sous coopération militaire, des troupes franco-grecques traversèrent la rivière Meriç. Elles visent à occuper la ville de Uzunköprü en Thrace, ainsi que les lignes de chemin de fer jusqu’à la gare de Hadımköy près de Çatalca dans les environs d’Istanbul. En septembre 1922, pendant la retraite des Grecs devant l’avance des révolutionnaires turcs, les forces françaises se retirèrent de leurs positions près des Dardanelles. Les Britanniques seraient prêts à maintenir leurs positions. Le gouvernement britannique envoya une demande de soutien militaire à ses colonies. La réponse fut négative. Les Français auraient indiqué aux Britanniques l’intention des alliés de ne pas intervenir en faveur de la Grèce. Les troupes grecques et françaises se retirèrent donc au-delà de la rivière Meriç.

Après l’armistice de Moudros, l’une des premières choses que fit l’Armée française fut de contrôler les mines de charbon ottomanes. Elles sont stratégiquement importantes. La France capitaliste en possédait des parts significatives. Le but était, d’une part, de prendre contrôle d’une importante source d’énergie, mais aussi de couvrir les besoins militaires français. Cela permettait aussi d’empêcher la distribution de charbon en Anatolie. Il aurait pu être utilisé pour soutenir une insurrection révolutionnaire Kémaliste. Le 18 mars 1919, deux canonnières françaises débarquèrent leurs troupes respectives dans deux ports sur la mer Noire, Zonguldak et Ereğli. Elles devaient commander la région minière ottomane. Confrontée à une résistance locale, la France commença à retirer ses troupes de Ereğli plus d’un an après le 8 juin 1920.

Pour aller en Mer Noire il faut passer par Constantinople. Une brigade française entra dans Constantinople le 12 novembre 1918. Le 8 février 1919, le général Franchet d'Espèrey, commandant en chef des forces alliées d’occupation dans l’Empire ottoman, arriva à Constantinople. Il coordonna les activités du gouvernement ottoman sous l’occupation alliée. La ville de Bursa, l’ancienne capitale ottomane d’une grande importance en Anatolie du Nord-Ouest, était également aux mains des forces françaises. Cependant ce fut une courte période avant la grande offensive de l’armée grecque pendant l’été 1920. A cette date la ville fut cédée aux Grecs.

Les fameux Détroits du Bosphore clefs de la mer Noire avec ses cinq ou six pays riverains résument la fameuse « Question d’Orient [48]». Ce secteur devait être internationalisé. Il le fut, mais sous autorité Kémaliste qui fit preuve d’une extrême habileté. Sainte Sophie devient un musée. On respecte les accords de Montreux régissant la traversée des détroits démilitarisés. La capitale de la Turquie nouvelle est Ankara tout en faisant mine de dédaigné la cosmopolite Istanbul. Une fois franchi les Détroits l’Armée Française doit s’occuper de la Crimée avec les Russes Blancs. Dans les années 1920 on croisera des Russes Blancs dans les rues de Beyrouth. Il faut noter que la Turquie révolutionnaire n’aurait pu vivre et triompher sans les armes russes des bolcheviks arrivant par le port de Samsun ; base essentielle sur la côte nord de l’Asie Mineure. Vraiment les moyens de l’Armée Française ne pouvaient pas répondre à tant de problèmes ardus, sanglant à résoudre sans une volonté absolu d’aboutir à un Etat Arménien à l’Est et une Ionie Grecque à l’Ouest. Nous venons de voir que c’est une volonté d’entente avec la Turquie Kémaliste qui prévalut. Finalement, seul l’arrimage politique et militaire depuis Beyrouth aboutit à quelque chose de concret et de stable. Il faut voir les Mandats du Levant comme un exploit. D’aller de Beyrouth à Deir Ez-Zor, d’Alexandrette à Naqoura, sous l’autorité incontestée de la France, n’est pas un mince exploit. La preuve l’Italie n’a pas pu exercer le sien en ancienne Pamphylie à partir d’Antalaya[49] Elle se maintint dans les iles de la Dodécanèse. L’Empire Britannique dans toute sa puissance ne put maintenir le Chérif dans le Hedjaz ; les Séoud remplacèrent les Hachémites. Quant à l’Irak et à toute la Jordanie ce ne fut pas sans mal qu’il arriva à les gérer.

Le nom de Cilicie disparu des cartes avec le Royaume de la Petite Arménie. Il reste dans la banlieue nord de Beyrouth le quartier de Bourj-Hamoud ; anciens camps des réfugiés Arméniens suivant l’Armée Française.

On y retrouve de nom d’un pays qui aurait pu exister si les Dieux l’avaient voulu ; le centre Marach, ou Mersin, les rues Adana ou Amanos. On y croise des familles Mardini venant de Mardin et autres nom de villes vidées de leurs populations arméniennes. Sûrement que parmi ces anciens rêves, il y a des anciens combattants des Légions arméniennes ou Légions d’Orient. Ont-ils été des soldats du Royaume Arménien ? Ont-ils été des soldats de l’Armée Britannique ? Ont-ils été des soldats de l’Armée Française du Levant ?

[1] Ce terme n’a aucune notation de défaite, il vient de capitulaire adjectif de chapitre.
[2] Un mensuel économique francophone du groupe L’Orient-Le Jour a pour titre « Commerce du Levant »
[3] Pour ceux qui sont un peu francophobes ; La vallée du rift du Jourdain, en hébreux בִּקְעָת הַיַרְדֵּן‎, Bik'at HaYarden, en arabe الغور‎‎, Al-Ghor ou Al-Ghawr, est une dépression du Proche-Orient correspondant à la portion centrale de la faille du Levant, entre le golfe d'Aqaba au sud et le mont Liban au nord, le tout faisant partie de la vallée du grand rift.
[4] L’hôtel le plus connu d’Alep s’appelle « Baron »
[5] Un siège attribué alors qu’il est tombé en déshérence souvent en territoire musulman ; in partibus infidelium (« en pays des infidèles »), par référence à d’anciens diocèses disparus au cours de l’histoire, sont depuis Léon XIII (1882) dénommés « évêques titulaires ». Il peut également être utilisé pour limoger un évêque jugé indésirable, s’il refuse de demander sa mise à la retraite, comme Monseigneur Jacques Gaillot, ancien évêque d’Evreux nommé à Parténia
[6] Kaïsareia
[7] Ancienne Ebactane capitale des Mèdes, tombeau d’Avicenne
[8] Il suffit de se souvenir de l’Hôtel Dieu à Beyrouth
[9] Ville de Turquie liée à Istanbul par chemin de fer et point de départ la construction d’une nouvelle ligne vers Bagdad.
[10] Le titre de Chief of the Imperial General Staff ou CIGS, était décerné au militaire de carrière commandant suprême de la British Army à partir de 1908 jusqu'en 1964.
[11] La terrible et sanglante bataille de Passchendaele est en cours sur le front de l'Ouest.
[12] C’est son lieu de naissance dans le comté de Suffolk.
[13] St. Andrew's Scots Memorial Church
[14] Aldershot est une ville située dans le comté anglais du Hampshire, au sud-ouest de l'Angleterre. La ville est administrée par le conseil du district de Rushmoor. Elle est connue pour ses rapports avec l'armée de terre britannique Depuis 1854 elle a installé une base dans la région pour l'instruction des manœuvres militaire. Cela transforma rapidement ce petit village en une ville victorienne. Le complexe militaire inclut aussi l'observatoire Aldershot.
[15] Seven Pillars of Wisdom.
[16] Benoît Méchin, avec son livre paru en 1961, participe à la légende ; « Lawrence d’Arabie, le rêve fracassé »
[17] Louis Massignon (25 juillet 1883 à Nogent-sur-Marne - 31 octobre 1962 à Suresnes) est un universitaire et islamologue français. S’il est resté attaché durant toute sa vie au catholicisme, on lui a parfois reproché un certain syncrétisme qui l’a fait qualifier par le pape Pie XI de « catholique musulman».
[18] Ce fut le premier titre des « Les Sept Piliers de la Sagesse », apprécions la valeur du changement de titre !
[19] Notez la date !
[20] Kénitra ; sur l’oued Sebou 237 000 habitants
[21] Nomination en décembre 1916
[22] Parfois dit « cherif cadi » 1867-1939.
[23] Mission Militaire Française du Hedjaz
[24] Ce n’était pas un cadeau de Noël !
[25] L'accord était connu de Talaat Pacha, membre du gouvernement ottoman : une copie de ces informations a été retrouvée dans les archives ottomanes. Sans l’excuser, cela explique en partie la férocité de la réaction étatique turque.
[26] 2 novembre 1917
[27] Qui deviendra Haïfa
[28] Le nom rappelle l’origine arménienne de cette place forte ; « La forteresse chrétienne »
[29] Il termina sa vie dans un hôpital spécial.
[30] Il convient de rappeler la fameuse réflexion de Georges Clémenceau ; « Dieu, lui-même, ne nous a imposé que dix commandements ! »
[31] Bersabée
[32] Sortes de Bachi Bouzou
[33] Ancienne Ankara
[34] CHAN 594AP4
[35] Mohadjirs, en arabe ; déplacés chrétiens
[36] CHAN 594 AP 4
[37] Vali
[38] CHAN 594 AP 4
[39] Né le 23 décembre 1870 à Calais, Emmanuel de Peretti de La Rocca est archiviste paléographe (promotion 1893)1, licencié en droit et diplômé de l'École libre des sciences politiques2. Il présidera la Société de l'École des chartes en 1936-1937. Il choisit d'entrer au ministère des Affaires étrangères ; il y est attaché à la direction de l'Amérique (1908), avant de devenir secrétaire d'ambassade à Washington (1909), de participer aux négociations du traité de Versailles au titre de la direction des Affaires africaines, et de devenir directeur des Affaires politiques (1920). Il est ambassadeur en Espagne entre 1924 et 1929, puis en Belgique entre 1929 et 1931. Directeur des services du ministère (1941), il est nommé en 1941 au Conseil de justice politique, institué par le régime de Vichy après le procès de Riom2. À la Libération, il se fixe à Levie, et meurt le 17 juillet 1958 à Paris
[40] CHAN 594 AP /4
[41] Il y a un centre commercial s’appelant Marach à Bourj Hammoud dans le quartier arménien à Dora, banlieue de Beyrouth.
[42] Nouveau nom de Mustafa Kemal
[43] Dans la culture arménienne de montagne il y a l’obligation de la Vendetta. Imaginons les résultats en 1918 après 1915 quasiment sur les mêmes lieux !
[44] La Légion d’Orient
[45] 17 RTS, 18RTS, et 21RTA
[46] En arabe : لواء الإسكندرونة. En turc : Lva' Alaskandarune, İskenderun Tugayı
[47] Pour souligner la difficulté de fixer concrètement la frontière syro-turque ; on choisit la voie de la ligne du chemin de fer existant ; en regardant vers l’est : à droite serait la Syrie à gauche la Turquie. L’usage sera commun mais la société commerciale sera française. Alors que les frontières sociologiques étaient beaucoup plus complexes !
[48] L’Orient dans quels degrés doit-il s’occidentaliser ; vous pouvez changer les termes en Chrétiens, Musulman. Comment doivent se concevoir les minorités ?
[49] Du grec Attaleia
Mon Jan 08, 2018 3:21 pm View user's profile Send private message Send e-mail Visit poster's website
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